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La loi Leonetti : Une loi qui invite au dialogue et à la confiance… par Martine Nectoux du CNDR

Auteur Rédaction

Temps de lecture 6 min

Date de publication 27/08/2013

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Martine NectouxLa loi relative aux droits du malade et à la fin de vie du 22 avril 2005 dite loi Leonetti, décryptée par Martine Nectoux, formatrice au CNDR Soin Palliatif.

Martine Nectoux est infirmière clinicienne de formation. Elle a un long parcours auprès des personnes en fin de vie, que ce soit en milieu hospitalier ou à domicile. Elle travaille aujourd'hui au service formation du Centre National de Ressources Soin Palliatif, formations qu'elle anime tant auprès des professionnels de santé que des bénévoles accompagnant des personnes en fin de vie. Interview.

Dans quelles circonstances la loi Leonetti a t-elle été votée ?
Martine Nectoux : Cette loi a vu le jour le 22 avril 2005 après de longs débats faisant suite à une situation de fin de vie très médiatisée. Elle a permis une évolution dont on peut se réjouir dans notre pays concernant le respect du malade et de ses droits en fin de vie. Dans cette loi, on trouve un certain nombre d'éléments clés qui ont aidé les professionnels, les malades et leur entourage à aborder cette phase éprouvante de l'existence.

Que dit la loi ?
Martine Nectoux : Pour la première fois en France, l'acharnement thérapeutique qui apparaît dans la loi sous le terme "d’obstination déraisonnable" est condamné. Les médecins ont bien sûr le devoir de tout mettre en œuvre pour sauver des vies et contribuer aux progrès scientifiques et médicaux. Néanmoins, la question est de savoir à partir de quand et dans quelles circonstances, cette obstination peut devenir déraisonnable et délétère pour le malade.

Le deuxième élément évoqué dans cette loi, c'est de donner la possibilité à toute personne majeure, d'écrire ses directives anticipées. Que sont les directives anticipées ?
Martine Nectoux : Ces directives sont encore très peu connues. On estime aujourd’hui qu’un peu plus de 2% de la population les a rédigées. Leur intérêt est de permettre à toute personne majeure de pouvoir écrire de manière nominative, datée et signée, ce qu'elle souhaite et ce qu'elle ne souhaite pas pour le jour où, en fin de vie, elle se trouverait incapable d’exprimer ses volontés alors que le médecin aurait une décision importante à prendre la concernant. Elles sont donc là pour éclairer une décision médicale, à ce moment donné. Elles ont une validité de trois ans, et sont reconductibles.

Quels sont le rôle et la place de la personne de confiance ?
Martine Nectoux : Une loi précédente (dite loi Kouchner, du 4 mars 2002) évoquait déjà la possibilité de nommer une personne de confiance, souvent confondue avec la personne à prévenir quand on est à l'hôpital. C'est pourtant très différent. La personne de confiance, choisie par le malade, est la personne qui va être en mesure de l'accompagner dans toutes ses démarches, ses consultations s'il le souhaite. Dans un contexte de fin de vie, et si le malade n'est plus en mesure d'exprimer ses volontés, cette personne sera la première avec qui l'équipe médicale s’entretiendra lors de décision de limitation et/ou d’arrêt de traitement.
La personne de confiance s’engage donc dans une responsabilité à l’égard du malade car c'est elle qui va porter sa parole. Elle n'est pas là pour donner son propre avis mais bien de transmettre les volontés du malade. Il ne s’agit pas de lui demander de prendre une décision médicale qui restera toujours de la responsabilité du médecin.
Cette personne de confiance pourra donc, comme c’est le cas pour les directives anticipées, éclairer le médecin sur les volontés du malade.

Pourquoi créer une telle loi ?
Martine Nectoux : Dans un contexte si particulier, la responsabilité dans les décisions à prendre, est lourde à porter. La loi demande donc au médecin de mettre en place une procédure collégiale avant de prendre une décision de limitation ou d'arrêt de traitement si celui-ci semble être inutile, disproportionné ou n'ayant pour seul but de maintenir artificiellement la personne en vie. Il s'agit d'un cadre bien délimité, dans les situations les plus complexes. La loi vient donc encadrer les pratiques professionnelles et aider le médecin à prendre cette décision difficile.

Quelles sont les étapes de la décision ?
Martine Nectoux : Avant la prise de décision, il y a un questionnement. Ce questionnement tourne autour d’une possible obstination déraisonnable auprès d’un patient en fin de vie et incapable d’exprimer sa volonté. Les professionnels vont s'interroger sur les thérapeutiques actuelles dont bénéficie le malade, ou sur les réponses à envisager en cas de complications à venir. A un moment donné, cette équipe est donc amenée à se demander si elle doit arrêter les traitements ou au contraire les prolonger, les limiter, voire ne pas entreprendre une nouvelle thérapeutique... Quand ce doute s’installe, on va enclencher une démarche rigoureuse qui va consister à rencontrer la personne de confiance, consulter les directives anticipées écrites par le malade, s’entretenir avec les proches, pour écouter ce que chacun a à dire et la manière dont il vit la situation.

Suite à ces rencontres, une réunion d’équipe sera organisée avec l’ensemble des professionnels concernés, intervenant au domicile et/ou à l'hôpital. Elle va permettre à chaque professionnel de prendre la parole, de pouvoir exprimer ce qu'il sait du malade, ce qu'il a observé, ce qu'il a entendu de sa bouche (lorsqu’il était encore en capacité de parler), et dire comment ses proches, sa famille vivent la situation... Elle sera aussi l’occasion d’explorer tout ce qui concerne l’histoire de vie du malade, sa pathologie, ses relations avec son entourage. L’équipe prendra certes, en compte l’âge de la personne mais l'âge n'est pas l'élément central car le questionnement est bien ailleurs - l'âge n'est pas une maladie en soit !

Cette procédure collégiale permet à l’équipe d’avancer et au médecin de prendre une décision en ce qui concerne les médicaments à limiter ou à arrêter et les soins qui seraient les mieux adaptés pour cette personne.
Ce médecin aura d'ailleurs pris la peine d'inviter à cette réunion, un confrère qui ne connaît pas le malade et qui n'est donc pas impliqué dans la situation, pour l'aider à objectiver ce qui peut l’être et partager les interrogations qui accompagnent l'équipe. Suite à ce temps d’échanges, la décision médicale est alors prise.
A partir de ce moment là, un retour est fait à la personne de confiance, aux proches pour les informer de la teneur de la décision. Il y aura parallèlement une traçabilité dans le dossier du malade de tous les éléments recueillis lors de la procédure collégiale.
Mais tout ne s’arrête pas là. Il est en effet impensable d'abandonner le malade en se disant "ça y est, il n’y a plus rien à faire".
On peut certes être amené à arrêter un traitement jugé disproportionné, inutile ou maintenant artificiellement le malade en vie, mais on va continuer à veiller à le soulager de toute source d’inconfort, et l’accompagner ainsi que ses proches jusqu'à son dernier souffle de vie.


Une loi qui invite au dialogue et à la confiance…



La loi Leonetti est une ouverture au dialogue. Elle renforce la confiance que le malade peut porter à ces professionnels respectueux de sa volonté


Pour aller plus loin :
CNDR - Centre National De Ressources Soin Palliatif
La plateforme interactive de référence sur les soins palliatifs, la fin de vie et le deuil pour les particuliers et les professionnels.

Numéro d'appel national : 0811 020 300 (prix d'un appel local) pour s'informer, être orienté et être écouté.

Sur www.soin-palliatif.org : consulter les dossiers d'informations, conseils pratiques et fiches "Vos droits".

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