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Anne-Marie Guillemard : refonder la solidarité entre les générations pour la retraite et l'emploi

Auteur Rédaction

Temps de lecture 4 min

Date de publication 23/01/2012

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Une politique qui prend en compte le cycle de vie

Anne-Marie GuillemardComment dans la situation de crise que nous traversons peut-on imaginer l’avenir du système de protection sociale simultanément confronté au défi du vieillissement démographique et à un sous emploi endémique ? Ce système est-il condamné à un inévitable déclin ?
Refonder le pacte social entre les générations pour la retraite et l’emploi était le sujet de la table ronde table ronde débat organisée par la revue Futuribles ce 12 janvier 2011. Anne Marie Guillemard y était invitée à exposer son propos : intégrer la perspective du cours de vie dans l’analyse des politiques sociales et des temporalités sociales.

Pour Anne Marie Guillemard le pacte entre les générations pour l’emploi et la retraite doit être refondé sur une nouvelle solidarité des âges au travail et une nouvelle répartition des temps de travail et de non travail indemnisé sur le cycle de vie. En effet explique-t-elle, le véritable défi posé par le vieillissement des populations et la longévité accrue n’est pas tant celui des retraites que celui de l’emploi des salariés qui avancent en âge. « Faire face au défi du vieillissement passe par l’allongement de la vie professionnelle. Cet objectif relève avant tout d’une gestion préventive du capital humain à tous les âges.

Dans la comparaison internationale, la France se singularise par ses mauvaises performances en matière d’emploi tant des seniors que des jeunes. Une seule génération est au travail en France : les 30-50 ans. Les 25-54 assurent 80% des emplois du pays et représentent 41% de la population.
Le taux d’emploi des seniors français s’est effondré depuis 1980. Parmi les plus bas de l’Europe des 15, il stagne aux alentours de 39% lorsque la moyenne européenne avoisine encore les 50%. 17% seulement des Français travaillent entre 60 et 64 ans. On note une progression de +35% entre 1996 et 2010 alors que’elle est +64% en Finlande et de +86% aux Pays-Bas
Le taux d’emploi des moins de 25 ans est également l’un des plus bas d’Europe. Il est en France de 31% contre 41% en 2008, en moyenne dans l’Europe des 15 ( Suède : 46 % ; UK : 56%

Autre phénomène français : une déconnexion problématique entre l’âge de sortie du marché du travail et l’âge de liquidation de la retraite. En 2010, l’âge médian de sortie du marché du travail se situe 58,9 ans et l’âge moyen de liquidation des droits à la retraite (CNAVTS) est à 61,6 ans. 40% des Français qui font valoir leur droit à pension ne sont plus en activité. Et, depuis 2003 la réforme des retraites a fait reculer l’âge de liquidation des droits mais très peu l’âge de sortie du marché du travail.

Le choc des cultures : sortie précoce du marché du travail, dans les pays d’europe continentale v/s droit au travail à tout âge dans les pays scandinaves, en particulier
"Au nom de la sauvegarde de l’emploi, la France, a opté, durant deux décennies, pour l’indemnisation de la sortie anticipée des seniors avec les préretraites et les mesures d’âge", explique Anne-Marie Guillemard.
Dans le même temps, les pays scandinaves et le Japon ont choisi de renforcer leurs politiques actives de l’emploi, en direction des plus de 45 ans.
Le recours massif aux mesures d’âge a entraîné une spirale d’effets pervers : l’âge est devenu la principale variable d’ajustement aux fluctuations du marché du travail ; la gestion des âges se réduit à une gestion segmentée par l’âge ; dépréciation et externalisation des plus âgés et pratiques systématiques de discrimination par l’âge.

Les mesures d’âge affectent aussi les plus jeunes
qui se trouvent également dépréciés et discriminés en raison de leur jeune âge et de leur inexpérience

Pour Anne Marie Guillemard, la coopération entre les âges au travail est un enjeu majeur pour la compétitivité
des entreprises et du pays. Refonder le pacte social entre les générations est un impératif de cohésion sociale qui exige :
- d’en finir avec la segmentation par l’âge des dispositifs publics et d’entreprise.
- de passer de la gestion par l’âge à la gestion de la diversité des âges : De nouveaux instruments de politiques sociales neutres sur le plan de l’âge et qui adoptent la perspective du cycle de vie. La notion de parcours devient centrale.
- de reconfigurer la protection sociale afin qu’au delà de l’indemnisation du risque, elle investisse préventivement dans le développement du capital humain et des mobilités. La réforme des retraites ne suffit pas, les politiques actives de l’emploi sont cruciales
- d’inventer des formes plus flexibles, optionnelles et incitatives de sécurisation des trajectoires des individus.

Seule une stratégie préventive globale de maintien de la capacité de travail des salariés à tous les âges permettrait de changer de cap et d’atteindre la refondation visée. Pour Anne-Marie Guillemard, un maître mot : parcours et non plus âge.
Elle estime devoir être actionnés les leviers suivants :
- offre de perspectives professionnelles aux différents âges avec une gestion prévisionnelle des parcours et des compétences
- développement de parcours de formation en connexion avec les parcours professionnels avec une attention particulière à la formation des plus de 40 ans .
- amélioration des conditions de travail, de la santé au travail et plus largement du bien-être au travail
- reconnaissance de l’expérience et de l’entretien du capital humain comme atouts pour l’entreprise
- revoir l’organisation du travail afin de favoriser la coopération entre les âges et les générations et les transferts de compétences.
- expérimentation et évaluation des actions.

En savoir plus avec la présentation intégrale de Anne-Marie Guillemard

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