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La polymédication - Polymédication et iatropathologie du sujet âgé

Temps de lecture 31 min

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La prescription de plusieurs médicaments, appelée polymédication, n’est pas sans conséquence. Elle peut engendrer des pathologies que l’on appelle iatrogènes.

La polymédication concerne le plus souvent le patient âgé en raison de la fréquence des maladies auxquelles il peut être sujet.

Le professeur Claude Jeandel, chef de service du Centre de gérontologie clinique Antonin Balmes à Montpellier, nous rappelle les incidences de la polymédication et des iatropathologies chez la personne âgée.

Les personnes âgées sont plus particulièrement exposées aux accidents iatrogéniques favorisés par la polymédication et les posologies excessives.

Les pathologies iatrogéniques représentent entre 5 et 10 % des motifs d’hospitalisation après 65 ans et plus de 20 % d’entre eux après 80 ans.

Elles sont également à l’origine d’un coût économique élevé résultant d’une augmentation des dépenses pharmaceutiques et des coûts générés par ses conséquences (hospitalisation).

La plupart de ces conséquences sont évitables si l’on identifie au préalable les malades, les situations et les médicaments à risque.

Il faut être vigilant aux différents signes cliniques pouvant faire penser à une pathologie iatrogène : les chutes sont une des « marques de fabrique » de la pathologie iatrogénique, la perte d’équilibre, une altération de la vigilance, un syndrome confusionnel, des troubles gastro-intestinaux, des troubles du rythme, des troubles du goût et de l’appétit… Des malaises ou des syncopes peuvent la conséquence d’une hypotension artérielle hypostatique secondaire à un traitement anti-hypertenseur mal adapté ou d’interactions médicamenteuses.

Attention aux facteurs favorisants comme l’automédication, les erreurs de prise, la déshydratation, la dénutrition… Il est important de connaître l’ensemble des médicaments prescrits par les différents médecins (généralistes, cardiologues, dermatologues, pneumologues…), et de les en informer.

Les médecins doivent s’informer sur les effets indésirables et les interactions médicamenteuses engendrées par les médicaments qu’ils prescrivent.

Toute prescription doit être expliquée au malade en s’assurant qu’elle est bien comprise et acceptée. Il faut informer le malade et son entourage sur les effets indésirables, les accidents éventuels, les risques d’un sevrage brutal et améliorer la communication entre les différents prescripteurs.

Il faut, souligne le professeur Jeandel, "savoir prescrire et déprescrire, pour mieux represcrire".

Savoir "déprescrire" est aussi important que savoir prescrire.

Il faut aussi acquérir le "réflexe iatrogène", c’est-à-dire considérer tout nouveau symptôme comme un effet indésirable possible.

"Tout ce qui peut resocialiser une personne âgée malade, maintenir son autonomie et sa qualité de vie est important, mais ne passe pas obligatoirement par la prescription de médicaments", conclut le professeur.

Les conséquences de la polymédication

La prescription pluri-médicamenteuse concerne le plus souvent le patient âgé en raison de la fréquente polymorbidité et polypathologie qui le caractérisent. Elle rend compte de l’incidence élevée des pathologies iatrogéniques. Elle majore en outre les risques de défaut d’observance à l’origine possible d’une sélection aléatoire des médicaments et donc d’échecs thérapeutiques.

Elle est également à l’origine d’un coût économique élevé résultant des dépenses pharmaceutiques qu’elle engendre et du coût généré par ses conséquences (défaut d’observance et pathologies iatrogéniques).

De nombreuses études soulignent que l’incidence des effets indésirables des médicaments est corrélée à l’âge et au nombre de médications prescrites. Les pathologies iatrogéniques représentent ainsi entre 5 et 10 % des motifs d’hospitalisation après 65 ans et plus de 20 % d’entre-eux après 80 ans.

Cette fréquence élevée des effets indésirables des médicaments survenant chez les personnes âgées et dont témoignent les études épidémiologiques résulte :

  • des conséquences du vieillissement physiologique sur le métabolisme des médicaments,
  • de l’intrication complexe sur ce terrain des pathologies chroniques ou aiguës (polypathologie) et de leurs conséquences sur le métabolisme des médicaments,
  • et de la polymédication.

La plupart de ces conséquences sont en effet évitables si l’on identifie au préalable les patients, les situations et les médicaments à risque.

Parmi les moyens permettant d’optimiser les prescriptions il faut plus particulièrement mettre l’accent sur l’évaluation du rapport bénéfice-risque, la réévaluation et la réactualisation régulière des prescriptions au long cours, la hiérarchisation des pathologies selon leur évolutivité et des thérapeutiques selonleur impact symptomatique, étiologique ou préventif et l’indication fondée de thérapeutiques non médicamenteuses.

Situations cliniques devant faire évoquer une pathologie iatrogénique

De nombreux handicaps des personnes âgées et les multiples prescriptions médicamenteuses qui en découlent concourent à une majoration inévitable des risques médicamenteux de sorte que la recherche d’une pathologie iatrogène doit être systématiquement intégrée dans toute nouvelle démarche médicale.

Ce risque doit être plus particulièrement discuté dans trois circonstances :

  • parce que le patient lui-même est déjà en état de risque accru en raison de certaines de ses caractéristiques ;
  • parce que les signes cliniques traduisent un dysfonctionnement de l’un ou l’autre des systèmes ou appareil particulièrement fragiles chez la personne âgée : système nerveux central, système cardio-vasculaire, appareil digestif, coagulation… ;
  • parce que les examens biologiques révèlent une altération des organes les plus vulnérables aux accidents médicamenteux : moelle osseuse, foie, reins…

Le patient à haut risque

Le portait robot de la personne âgée à haut risque de pathologie iatrogénique concerne typiquement une femme âgée, maigre, anxieuse (d’où forte demande de prescription), pratiquant l’automédication (mêmes raisons), parfois atteinte de désordres immunitaires (les risques médicamenteux sont significativement plus élevés chez les patients atteints de maladies auto-immunes) et soignée par un médecin plutôt jeune, non formé à la gériatrie.

Les signes cliniques évocateurs

La pathologie neurologique et psychiatrique (25 % des cas).

Les chutes sont une des « marques de fabrique » de la pathologie iatrogénique, et les psychotropes les plus souvent en cause. La perte d’équilibre sera d’autant plus suspecte d’une origine médicamenteuse qu’il existe :

  • Une altération de la vigilance (somnolence excessive : benzodiazépines)
  • Ou un syndrome confusionnel soit par action chimique directe (antidépresseurs, neuroleptiques, agents dopaminergiques, anti-cholinergiques…), soit induit par un trouble métabolique telle qu’une hyponatrémie

Les chutes « médicamenteuses » peuvent également résulter des effets de médicaments hypotenseurs (diurétiques, anti-parkinsoniens, antidépresseurs tricycliques…) ou responsables d’un syndrome vestibulaire (aminosides), ou d’une syndrome extra-pyramidal (neuroleptiques), d’un dérobement des jambes (myopathies médicamenteuses : corticoïdes, hypolipidémiants) ou des chevilles (neuropathies périphériques médicamenteuse : anti-paludéens, amiodarone…).


La pathologie cardio-vasculaire

  • Malaises et syncopes. Les malaises sont aux médicaments cardio-vasculaires ce que sont les chutes et la confusion aux psychotropes. Ils peuvent être à l’origine de chutes, de sorte que leur recherche par l’interrogatoire doit être un des points d’orgue du diagnostic chez un malade chuteur. Ils sont dus dans la grande majorité des cas à une hypotension artérielle orthostatique secondaire soit à une hypovolémie (diurétiques, laxatifs au long cours….), à un blocage de la réponse adrénergique à l’hypotension orthostatique (bétabloquants), voire une dépression de la réponse de l’arc baroréflexe (hypotenseurs centraux, lévodopa, bromocriptine, neuroleptiques) ou à une vasodilatation artérielle et veineuse (dérivés nitrés…). A rapprocher de ce chapitre : la crise d’angor au lever.
  • Troubles du rythme iatrogénique. Ils peuvent être de découverte fortuite ou révélés par une hypotension artérielle. Les anti-arythmiques de classe I (quinidiniques) induisent des extra-systoles ventriculaires ou des torsades de pointe en cas d’hypokaliémie concomitante, les digitaliques et l’amiodarone induisent des accès de bradycardie, bloc auriculo-ventrivulaire et plus rarement extra-systoles ventriculaires de même que les antagonistes calciques (vérapamil).

La pathologie digestive

Troubles gastro-intestinaux
L’ensemble du tractus digestif peut être le siège de complications iatrogéniques et l’ensemble de la sémiologie digestive en être révélatrice : brûlures oesophagiennes (AINS, aspirine), syndrome oesophagien secondaire à une sténose oesophagienne (chlorure de potassium en comprimés), douleurs épigastriques à forme ulcéreuse (AINS, aspirine…) le plus souvent remplacées chez la personne âgée par une anorexie ou des nausées. Les vomissements peuvent être secondaires à la prise d’AINS, de digitaliques, de macrolides ou de biguanides, mais peuvent également traduire l’existence d’une hyponatrémie (diurétiques), d’une hypercalcémie (intoxication à la vitamine D).

Des douleurs abdominales, voire une occlusion du grêle peuvent survenir après la prise d’AINS et simuler une affection tumorale ou une entérocolopathie inflammatoire.La tolérance gastro-duodénale des corticoïdes est en général satisfaisante chez les personnes âgées mais une attention particulière doit être accordée aux risques gravissimes de diverticulite sigmoïdienne, souvent mortelle, qui constitue un réel facteur limitant à l’emploi des corticoïdes chez les personnes âgées en cas de diverticules sigmoïdiens connus. Enfin, une diarrhée inopinée doit faire penser à une antibiothérapie, et en cas de prise de bétalactamines une colite pseudomembraneuse à clostridium difficile.

Troubles du goût et de l’appétit: l’anorexie des digitaliques est classique et témoigne d’un surdosage mais d’autres médicaments peuvent altérer le goût et engendrer une anorexie : antibiotiques (ampicilline,tétracyclines, macrolides), fibrates, IEC, AINS, glipizide.

Accidents hépatiques et rénaux

Les accidents hépatiques: une intoxication médicamenteuse doit être systématiquement évoquée devant tout signe biologique d’atteinte hépatique quelle qu’en soit la nature : cytolytique, cholestatique, mixte ou granulomateuse.Les médicaments les plus dangereux sont l’INH, les sulfamides, la carbamazépine, l’acide valproïque, l’amiodarone, l’allopurinol, l’acide tiénilique et certains anti-inflammatoires non stéroïdiens (hépatite cytolytique).Les hépatites cholestatiques sont en principe moins graves : phénothiazines, antidépresseurs tricycliques, macrolides,ajmaline,chlorpromazine, captopril, oestrogènes, stéroïdes anabolisants, ranitidine.Les hépatites granulomateuses sont plus rarement suspectées : y penser devant une cholestase modérée et permanente, en cas de prescription d’allopurinol, de carbamazépine, de sulfamides.

Les néphropathies médicamenteuses: la situation la plus classique est l’insuffisance rénale fonctionnelle par hypovolémie secondaire aux diurétiques à évoquer devant un tableau clinique de déshydratation avec dissociation urée-créatinine, rapport urée urinaire/urée plasmatique supérieur à 10 et natriurèse inférieure à 30 mmol/l.En cas d’atteinte organique, une origine médicamenteuse devra être suspectée devant un tableau de néphrite interstitielle.

  • Soit aiguë (oligo-anurie, gros reins symétriques en échographie, rapport U/P inférieur à 10, natriurèse supérieure à 50 mmol/l) dans un contexte immuno-allergique : fièvre, rash cutané, arthralgies, éosinophilie et éosinophilurie. Les médicaments les plus souvent en cause sont les aminosides, les céphalosporines, la rifampicine, les sulfamides, les AINS, mais également produits de contraste iodés et perfusion de dextrans.
  • Soit chronique, révélée par une insuffisance rénale progressive avec acidose hyperchlorémique : prise prolongée d’antalgiques et essentiellement phénacétine.

Les glomérulonéphrites médicamenteuses sont plus rares : à suspecter devant une protéinurie supérieure à 1,50 g/24 heures ou un syndrome néphrotique (supérieur à 3 g/24 heures) avec hypoalbuminémie inférieure à 30 g/l avec ou sans insuffisance rénale, chez un malade soumis à un traitement par sels d’or, captopril, anti-inflammatoires non stéroïdiens, tolbutamide, carbutamide.

Atteinte hématologique

Leucopénie, agranulocytose:Elle peut être d’origine toxique ou immuno-allergique (discrimination par le myélogramme). En cas d’atteinte centrale, la découverte d’un bloc de maturation de la lignée blanche au stade promyélocytaire est un argument en faveur d’une origine toxique médicamenteuse (chimiothérapie ambulatoire en particulier méthotrexate, colchicine, chloramphénicol). En cas de myélogramme normal, suspecter une réaction immuno-allergique médicamenteuse en présence de sulfamides, pénicilline, céphalosporine, carbamazépine, phénytoïde, anti-thyroïdiens de synthèse…

Atteinte des plaquettes et de la coagulation
Une atteinte des plaquettes et de la coagulation est recensée par la banque nationale de pharmacovigilance chez les personnes âgées dans 9,2 % des cas, qu’il s’agisse des thrombopénies de nature immuno-allergique (héparines, sulfamides, pénicilline, céphalosporine, quinine, quinidine, allopurinol, carbamazépine) ou du surdosage en anticoagulants et en particulier en AVK, soit par excès de posologie, soit à l’occasion d’une synergie avec les AINS, l’aspirine, le ticlopidine, allopurinol, amiodarone, carbamazépine, corticoïdes, fibrates.


Enfin, en iatropathologie gériatrique ayez les collyres à l’œil….Une confusion mentale ou une rétention aiguë d’urines peuvent survenir après quelques gouttes d’atropine, de même qu’une bradycardie extrême induite par les collyre contenant du timolol. Une règle s’avère donc essentielle : consulter systématiquement le Vidal pour toute prescription médicamenteuse chez la personne âgée et savoir recourir au centre régional de pharmaco-vigilance.

Facteurs spécifiques augmentant le risque iatrogénique chez le sujet âgé

De nombreux facteurs, souvent associés, favorisent les accidents médicamenteux chez les sujet âgé. Certains sont relativement inévitables car liés au vieillissement lui-même. D’autres peuvent être au moins partiellement corrigés. 30 à 60 % des effets indésirables s’avèrent ainsi prévisibles et évitables si l’ont tient compte de ces facteurs favorisants.

Facteurs favorisant "inévitables" liés au vieillissement physiologique et à la polypathologie

  • Les modifications des paramètres pharmacologiques (pharmacocinétiques et pharmacodynamiques) telle que l’altération du métabolisme ou de l’élimination interviennent sur la survenue des accidents médicamenteux.
  • Les altérations de l’homéostasie majorent l’expression des effets indésirables car elles en diminuent la tolérance :à valeur égale, une hypotension orthostatique, une anémie ou une hypoglycémie auront plus de retentissement clinique à 80 ans qu’à 30 ans. Ces altérations touchent tous les grands systèmes d’homéostasie à des degrés divers (système nerveux autonome, appareil cardio-vasculaire, fonctions cognitives, glycorégulation en particulier). Un diurétique peut transformer une incontinence urinaire occasionnelle en incontinence permanente. L’action anti-cholinergique d’un antidépresseur tricyclique entraîne plus facilement une confusion chez un patient dément ou déprimé. Une hypotension orthostatique asymptomatique peut être majorée par un traitement psychotrope. Les opiacés peuvent majorer le ralentissement du transit intestinal. Il semble que les altérations de l’hématopoièse au cours des chimiothérapies anticancéreuses soient plus en rapport avec le vieillissement médullaire que la toxicité propre des antimitotiques.
  • La co-morbidité majore la survenue d’effets indésirables de certains médicaments. Il s’agit en particulier de la déshydratation (augmentation des concentrations plasmatiques), de la dénutrition (augmentation de la fraction libre), de l’hypotension orthostatique (pour les antihypertenseurs et les psychotropes), de la démence ou de l’hypertrophie prostatique (pour les anticholinergiques), de l’insuffisance cardiaque ou de l’artérite (pour les bêta-bloquants), de l’insuffisance rénale chronique (pour la digoxine), de l’insuffisance hépatique (pour les anticoagulants), de l’insuffisance respiratoire chronique (pour les anxiolytiques), des dysthyroïdies (pour l’amiodarone) ou des terrains atopiques. Les troubles de la vision ou les troubles cognitifs majorent le risque d’erreur de prise médicamenteuse.
  • Les erreurs d’observance des traitements concernent 60 % des personnes âgées d’après certaines statistiques. 5 % d’entre elles peuvent entraîner des conséquences cliniques importantes. Les patients qui reçoivent des psychotropes sont plus exposés à des erreurs d’administration.

Facteurs favorisant "évitables" liés aux médicaments

  • Propriétés et posologies des médicaments : les médicaments à marge thérapeutique étroite (digitaliques, théophylline, aminosides) ou de longue demi-vie, majorent les risques d’accidents médicamenteux. La cimétidine et la ranitidine atteignent des taux toxiques lorsqu’elles sont utilisées à même dose que chez le sujet jeune.
  • Nombre des médicaments : l’incidence des effets indésirables augmente exponentiellement avec le nombre de médicaments administrés : un effet indésirable survient chez 4 % des patients qui prennent 5 médicaments ou moins, 10 % chez ceux qui prennent 6 à 10 médicaments, 28 % chez ceux qui prennent 11 à 15 médicaments et 54 % chez ceux qui prennent plus de 16 médicaments. Les interactions médicamenteuses sont responsables de 15 à 20 % des effets indésirables. Il a été démontré que la diminution des médicaments administrés diminuait significativement les effets indésirables sans altérer la qualité de vie.

Le prescripteur peut très difficilement extrapoler à sa pratique médicale courante les principes d’utilisation établis à partir de malades artificiellement sélectionnés au cours des essais thérapeutiques.

Facteurs favorisant "évitables" liés au prescripteur

  • Le prescripteur connaît parfois insuffisamment le malade et ses maladies (médecin remplaçant).
  • Le médecin connaît parfois insuffisamment les médicaments qu’il prescrit (effets indésirables, interactions, précautions d’emploi).
  • La dépression, l’anxiété, l’insomnie et l’agitation entraînent souvent des prescriptions injustifiées de psychotropes. Chez les déments, les troubles du comportement sont souvent mal acceptés par l’entourage familial ou les soignants et conduisent fréquemment à la prescription excessive de sédatifs ou de neuroleptiques : 20 % des personnes âgées recevant un psychotrope n’en ont pas d’indication précise et près d’un tiers des patients ont des psychotropes « à la demande ». Sept à 10 % des personnes âgées ambulatoires ou institutionnalisées ont 3 médicaments à action anticholinergique, voire plus. Au total, certaines statistiques font état d’un quart de prescriptions médicamenteuses sans efficacité ou nécessité.
  • Le médecin hésite souvent à interrompre un médicament, en particulier lorsqu’il a été introduit par un autre prescripteur. Il a tendance à relâcher la surveillance clinique et biologique de médicaments longtemps bien tolérés : c’est le cas par exemple des traitements prolongés par psychotropes chez les déments. Or le risque est d’autant plus important que les médicaments sont prescrits depuis plusieurs années et non surveillés (voire plus de 10 ans).
  • L’information insuffisante du malade majore les erreurs d’administration : 8 à 45 % des personnes âgées ne connaissent pas les indications précises de leurs médicaments. A l’inverse, dans une étude américaine récente, 1/3 des personnes âgées recevaient des médicaments dont leur médecin n’était pas informé.
  • Les médecins oublient souvent d’harmoniser leurs prescriptions avec celles des autres prescripteurs ou de s’enquérir de l’autoprescription.

Influence de l’âge sur la pharmacocinétique des médicaments

Les modifications pharmacocinétiques et pharmacodynamiques induites par le vieillissement expliquent en partie l’incidence plus élevée des effets iatrogènes du médicament chez le sujet âgé.

Les effets du vieillissement sur le comportement pharmacocinétique sont appréciés par la comparaison, entre sujets jeunes et âgés, des courbes de concentration dans le temps et des paramètres en étant dérivés (Tmax, Cmax, aire sous la courbe, demi-vie et clairance plasmatique, temps de résidence moyen, volume apparent de distribution). Les modifications de ces paramètres chez le sujet âgé traduisent les effets du vieillissement sur l’absorption, la distribution, le métabolisme et l’excrétion des drogues.

Modification de l'absorption

Les modifications de l’absorption résultent :

  • de l’augmentation du pH gastrique (diminuant l’absorption des acides faibles et favorisant celle des bases faibles) ;
  • de la diminution de la surface digestive et de la motilité gastroduodénale (favorable à la résorption par augmentation du temps de contact) ;
  • de la réduction du flux sanguin splanchnique (retard de l’absorption par diffusion passive) et du nombre de certains systèmes de transport.

Ces modifications peuvent avoir des effets opposés (la diminution de la surface d’absorption pouvant être compensée par l’augmentation du temps de transit et la réduction de l’acidité gastrique par la diminution de la vidange gastrique, rendant compte de l’absence de modification de la biodisponibilité de la majorité des drogues chez le sujet âgé. La quantité (Cmax) de la plupart des médicaments s’avère peu ou pas modifiée ; en revanche, un grand nombre d’entre eux sont absorbés de manière retardée.

Modification du transport et de la distribution

La diminution des masses liquidiennes et l’augmentation de la masse grasse au cours du vieillissement induisent les modifications des volumes apparents de distribution des médicaments, augmentant les risques de surdosage pour les drogues hydrosolubles et les risques d’accumulation et d’activité différée pour les composés liposolubles.

La diminution de la concentration en albumine plasmatique, la réduction du nombre de ses sites de fixation et ses modifications stéréochimiques sont quant à elles responsables d’une augmentation de la fraction libre active et des risques d’interactions compétitives pour les composés à fortes affinité et liaison protéiques.

L’augmentation des concentrations de l’alpha-1 glycoprotéine acide (système de transport de certaines bases faibles) au cours des états inflammatoires, témoigne de la nécessité de la prise en compte des facteurs pathologiques associés dans l’étude des modifications cinétiques.

Modification du métabolisme

Les biotransformations hépatiques des médicaments font intervenir des réactions de phase 1 – (oxydation, réduction, déméthylation, hydrolyse), catalysées par les systèmes de mono-oxygénases microsomales (cytichrome P 450, b et leurs réductases, flavoprotéines) et des réactions de phases 2 – (glucurono-et sulfoconjugaison, méthylation, actylation) pour lesquelles les effets du vieillissement ont été moins étudiés. Les capacités hépatiques à métaboliser un grand nombre de médicaments diminuent avec l’âge chez l’homme.

Cette diminution s’applique différemment d’un médicament à l’autre et est soumise à des variations interindividuelles. Ces variations font intervenir des facteurs génétiques et environnementaux, les état pathologiques éventuels et la polymédication. La masse hépatique diminue de 35 % chez l’homme âgé. La diminution du flux sanguin hépatique est proportionnellement plus élevée que celle de la masse hépatique. Ces deux facteurs expliquent à eux seuls la diminution de la clairance hépatique d’un grand nombre de médicaments chez le sujet âgé.

L’âge n’affecte pas l’affinité des mono-axygénases pour les différents substrats étudiés. Les activités enzymatiques de conjugaison sont peu affectées par l’âge chez l’animal et probablement chez l’homme. Les phénomènes d’induction et d’inhibition des enzymes du métabolisme des médicaments ne sont pas modifiés au cours du vieillissement.

Modification de l'excrétion rénale

La diminution du flux sanguin rénal et de la filtration glomérulaire chez le sujet âgé rend compte des principales modifications des paramètres cinétiques (augmentation de la demi-vie et du temps de résidence moyen, diminution de la clairance plasmatique) et de la nécessité d’utiliser des posologies adaptées à la fonction rénale (appréciées par la clairance de la créatinine ou mieux de l’insuline, à défaut à partir du monogramme de Kampmann ou de l’équation de Cockcroft et Gault (1) ).

Cependant les résultats des deux études longitudinales démontrent que cette modification de la fonction rénale épargne certains individus âgés et résulterait davantage des effets cumulés de différents processus pathologiques (immunologiques, infectieux, toxiques, ischémiques...) que des effets propres du vieillissement. Les variations interindividuelles résultant des effets additifs du vieillissement intrinsèque et des évènements pathologiques successifs impliquent la nécessité d’une adaptation posologique individuelle.Aux risques de surdosage les plus souvent encourus, il faut opposer les risques d’inefficacité thérapeutique induits par une diminution de posologie systématique injustifiée.

Interactions médicamenteuses

Définition

Une interaction médicamenteuse (IAM) est la réponse (pharmacologique ou clinique) à l’administration d’une association de médicaments différente de celle que l’on pouvait attendre des effets connus de chacun des deux médicaments pris séparément.

Du fait des prescriptions plurimédicamenteuses, il existe très souvent des interactions médicamenteuses de mécanismes variés et associés (pharmacocinétiques et pharmacodynamiques) dont le manifestations peuvent revêtir plusieurs aspects. Le plus souvent elles restent potentielles et n’ont pas de manifestation clinique.Dans d’autres cas elles entraînent une action favorable mise à profit dans un but thérapeutique.

Enfin elles peuvent avoir des effets délétères et conduire à une inefficacité thérapeutique (association de bêta-mimétique et de bêta-bloquant) ou à des accidents graves.

Fréquence

Du fait de méthodes d’évaluation différentes, les résultats des études publiées divergent largement sur la fréquence des effets indésirables qui est évaluée entre 3 et 35 % des patients hospitalisés. De même les classes médicamenteuses impliquées varient selon les études, ce qui rend la prévention difficile. Il semble qu’il existe une corrélation positive entre le nombre d’associations médicamenteuses exposant à une interaction et le nombre d’effets indésirables.

Mécanismes

Deux médicaments peuvent interagir sur chacun des paramètres pharmacocinétiques : modification de l’absorption ou du volume de distribution, compétition de fixation sur l’albumine, compétition sur l’élimination rénale, induction ou inhibition enzymatiques. De même ils peuvent agir sur les paramètres pharmacodynamiques : compétition de fixation sur les récepteurs, action synergique ou antagoniste…

Classes médicamenteuses concernées

Les interactions médicamenteuses ne sont pas différentes chez le sujet âgé et chez le sujet jeune. Cependant il est plus fréquent de les rencontrer et d’en observer les effets indésirables en gériatrie compte tenu du nombre de médicaments prescrits.Les associations les plus souvent retrouvées dans les études françaises concernent les associations de médicaments cardio-vasculaires, les associations de psychotropes et les associations de médicaments cardio-vasculaires et psychotropes.

Cette notion est d’autant plus importante que ces associations résultent de prescripteurs différents.Alors que les associations impliquant des médicament cardio-vasculaires sont connues, les interactions par médicaments psychotropes ont été moins étudiées et sont peut-être plus fréquentes en France dans la mesure où ces médicaments sont très prescrits.

Quelques exemples

  • Les associations comportant un anti-hypertenseur et un dérivé nitré exposent elles aussi plus spécifiquement à des accidents d’hypotension orthostatique.
  • Les associations de diurétiques ou d’IEC et d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) exposent à la survenue d’insuffisances rénales graves chez le sujet âgé.
  • Bon nombre de sujets âgés sous diurétiques hypokaliémiants ou anti-arythmiques prennent aussi des laxatifs (automédication) avec un risque accru de déplétion potassique sévère ou de trouble de la conduction cardiaque.
  • La prescription de psychotropes chez des sujets âgés traités aussi par anti-hypertenseurs majore le risque de chute ou de troubles cognitifs. Les associations d’anti-arythmiques et d’antidépresseurs ou de neuroleptiques majorent le risque de trouble de conduction cardiaque.
  • Chez un sujet traité par anti-vitamine K, le risque d’accident hémorragique est largement accru en cas d’association avec un AINS.

Conséquences sur la prévention

Compte tenu du grand nombre d’associations médicamenteuses responsables d’IAM, il semble difficile a priori de dégager des mesures préventives en dehors de la diminution du nombre de médicaments prescrits. Toutefois, certaines études ont montré que la plupart des accidents étaient liés à un nombre relativement restreint d’associations médicamenteuses courantes.

Il est conseillé au prescripteur de consulter les documents officiels à sa disposition et en particulier le livret du Vidal sur les interactions médicamenteuses régulièrement actualisé par l’Agence du Médicament (Dictionnaire Vidal). Ce livret distingue 4 groupes d’interactions médicamenteuses en fonction des risques auxquels elles exposent. Cependant elles ne mentionnent que rarement les risques spécifiques chez le sujet âgé alors que l’ont peut raisonnablement penser que, comme pour les effets indésirables des médicaments isolés, le retentissement des effets indésirables soit plus grave que chez les sujets jeunes.D’ailleurs certains résultats évoquent que les associations ne nécessitant qu’une précaution d’emploi sont responsables d’autant d’effets indésirables que les associations contre-indiquées de façon relative ou absolue.Il faut aussi privilégier l’attitude préventive sur les IAM les plus fréquentes.

S’il est difficile de remettre en question la prescription de certaines associations qui comportent une action synergique positive indiscutable (diurétique + digitalique, diurétique + dérivé nitré, diurétique + inhibiteur calcique, voire I.E.C. + diurétique…), on peut plus discuter le bien fondé d’associations dont les indications ne justifient pas la présence de prescription relativement importante (benzodiazépine + benzodiazépine, benzodiazépine + neuroleptique, benzodiazépine + antidépresseur, diurétique + diurétique, I.E.C. = potassium…)Enfin il faut bien entendu éviter certaines associations médicamenteuses qui, bien que dangereuses, sont prescrites parfois sans discernement (AINS + I.E.C., AINS + diurétique + I.E.C., antihypertenseur central + antidépresseur tricyclique, quinidine + digoxine).

Principes généraux de prescription thérapeutique chez le sujet âgé

Bien que l’âge en soi ne contre-indique généralement pas un traitement, il peut en modifier les objectifs et les modalités. Certes les personnes âgées sont plus particulièrement exposées aux accidents iatrogéniques favorisés par la polymédication et les posologies excessives.

En revanche, réduire la posologie d’un médicament peut exposer à l’inefficacité thérapeutique sans pour autant éliminer tout risque iatrogénique.L’acte thérapeutique ne se limite pas à la prescription de médicaments. Il comporte aussi une approche non médicamenteuse et psychologique. Tout ce qui peut resocialiser une personne âgée malade, maintenir son autonomie et sa qualité devie est important, mais ne passe pas obligatoirement par la prescription de médicaments.

Bien qu’il soit difficile de définir des modalités de décision thérapeutique consensuelles, on peut dégager certains principes généraux de prescription qui correspondent d’ailleurs aux recommandations récente de l’ANDEM et au recommandations ministérielles (ministère du Travail et des Affaires sociales, Secrétariat d’état à la Santé et à la Sécurité sociale 1997).

Avant de prescrire : la décision thérapeutique

Connaître la maladie

  • Poser le diagnostic exact dans la mesure du possible. L’absence de diagnostic précis conduit à ne traiter approximativement que des symptômes et à multiplier les prescriptions médicamenteuses et les risques d’effets indésirables. Il est indispensable de rechercher la cause d’une confusion, d’une anxiété, d’un amaigrissement, d’une anémie microcytaire ou d’œdèmes des membres inférieurs par exemple afin d’en déterminer le traitement étiologique approprié et efficace. Ceci est d’autant plus important que la polypathologie du sujet âgé se caractérise par la survenue de maladies en cascade (anémie par saignement aggravant une insuffisance cardiaque). Un traitement uniquement symptomatique peut retarder le diagnostic ou conduire à la prescription de médicaments dangereux.
  • Evaluer le degré de gravité potentielle (enjeu vital, retentissement sur la qualité de vie) de la maladie nouvelle et de l’ensemble des affections du malade.Quelles sont les maladies dont le traitement devient moins important en fonction de leurs risques ou des plaintes du malade ? Dans la décision thérapeutique l’amélioration de la survie doit s’accompagner d’une conservation de la qualité de vie. Ce concept de qualité de vie est difficile à définir et doit être basé sur ce qui est important pour une personne âgée : c’est son avis qui compte, prioritairement par rapport à celui d’un observateur extérieur.

Connaître la malade

  • Apprécier les priorités du patient qui ne sont pas toujours superposables à celles du médecin. La plainte du patient, si elle est négligée, peut conduite à une automédication.
  • Evaluer l’état somatique, en particulier le poids, la pression artérielle de décubitus et orthostatique, l’état nutritionnelle et l’hydratation. Une perte de poids récente peut traduire une déshydratation ou une dénutrition et imposer une adaptation thérapeutique. Une insuffisance cardiaque, un dénutrition ou une déshydratation peuvent retentir sur le choix du médicament ou sa dose, en particulier lorsque sa marge thérapeutique est étroite. L’évaluation régulière de la fonction rénale, effectuée au moyen d’abaques (formule de Crockroft, nomogramme de Kampmann), doit être inscrite dans le dossier médical : elle permet d’adapter la posologie de médicaments ayant une élimination rénale exclusive ou prédominante. D’autre renseignements para-cliniques peuvent être utiles en fonction du traitement envisagé : ionogramme sanguin, électrocardiogramme…
  • L’état cognitif et le mode de vie du malade peuvent influer sur l’observance du traitement : vit-il seul à domicile ou en institution ? Quel est son entourage familial ? L’évaluation de la capacité et de la disponibilité de l’entourage à assister le malade âgé est importante.
  • Connaître la liste exacte des médicaments reçus par le patient en consultant son carnet de santé et les ordonnances des autres prescripteurs, sans oublier les compositions dermatologiques et collyres.
  • Rechercher attentivement une automédication (aspirine, laxatifs, vitamines).

Connaître le traitement envisagé

  • Définir des objectifs thérapeutiques adaptés au malade : s’agit-il d’un traitement curatif ou palliatif, d’un traitement étiologique ou symptomatique ? Discuter de façon critique l’utilité d’un traitement uniquement symptomatique (tout trouble du sommeil ne nécessite pas nécessairement d’hypnotique).
  • S’assurer que le traitement que l’on envisage a fait l’objet d’une évaluation voire d’un consensus. Il n’existe pas actuellement de consensus sur la nécessité de traiter l’hypertension artérielle après 80 ans alors que le rapport bénéfice/risques du traitement diminue au fur et à mesure que l’âge augmente.
  • Connaître les principaux paramètres pharmacocinétiques des médicaments envisagés : voie d’élimination, demi-vie plasmatique, degré de fixation aux protéines, principales interactions attendues et risques du traitement.
  • Evaluer le risque d’accident iatrogénique auquel on expose le malade par rapport au risque évolutif de sa maladie. Le nouveau traitement risque-t-il d’interférer avec les médicaments déjà prescrits ? ne risque-t-on pas d’exposer une personne de 80 ans à des accidents hypoglycémiques si l’on traite un diabète dont les glycémies sont peu élevées ?
  • Le nouveau traitement comporte-t-il des effets délétères sur la qualité de vie ? A titre d’exemple, si une antibiothérapie brève a peu de chances de retentir sur la qualité de vie, un traitement diurétique au long cours peut majorer le risque d’incontinence urinaire.
  • Eviter la prescription de médicaments inappropriés, c’est à dire sans preuve scientifique d’efficacité (identifiés dans le Vidal par les mentions « proposé dans », « utilisé dans », « utilisé comme ») ou potentiellement dangereux ou encore à la place desquels d’autres produits seraient plus maniables.

Lors de la prescription : le discernement

  • Eviter le double emploi en repérant tous les médicaments qui appartiennent à la même classe thérapeutique, qui contiennent le même principe actif ou qui ont des propriétés pharmacologiques communes en relation ou non avec l’effet thérapeutique recherché (propriétés anticholinergiques).
  • Adapter la posologie du produit à l’âge et au métabolisme du médicament. Limiter les doses de charge qui exposent à des pics sériques excessifs et donc à une majoration de la toxicité. S’il n’est pas nécessaire d’obtenir rapidement des concentrations plasmatiques efficaces (antibiotiques ou certains médicaments cardio-vasculaires), commencer par une dose initiale réduite (anxiolytiques). La posologie sera ensuite augmentée en fonction de la tolérance. Dans certains cas la réduction posologique peut diminuer le risque d’effets indésirables sans retentir sur l’action thérapeutique. Dans d’autres cas en revanche la réduction de la posologie expose à l’inefficacité thérapeutique sans exclure totalement le risque iatrogénique.
  • Limiter le nombre de médicaments et le nombre d’administrations, avec des heures d’administration facilement mémorisables. Cette notion expose toutefois à l’interférence de certains produits avec l’alimentation. Le recours à un pilulier peut être utile.
  • Choisir des préparations et des modes d’administration appropriés : un comprimé ou une gélule doit être absorbé avec 100 ml d’eau et en position assise pour éviter la stagnation oesophagienne. Les gouttes exposent à des erreurs de comptage. Une présentation retard ou à libération prolongée perd sa spécificité lorsqu’elle est écrasée pour être administrée par sonde gastrique. Les voies intra-musculaire et intraveineuse ne peuvent être que transitoires bien entendu.
  • Déterminer la durée du traitement afin de savoir quand en évaluer l’efficacité et quand le modifier éventuellement.
  • S’assurer de l’adhésion du malade et de son entourage. Expliquer la prescription en s’assurant qu’elle est bien comprise et acceptée sans ambiguïté. Informer raisonnablement le malade sur les accidents éventuels (afin de les dépister précocement). L’arrêt mal ou non expliqué de certains médicaments (qui peut concerner 40 % des médicaments lors d’une hospitalisation) augmente le risque d’erreur à la sortie. Informer le malade et son entourage des risques d’un sevrage brutal (benzodiazépines, corticoïdes) ou d’une automédication.
  • Consigner sur le carnet de santé tous les médicaments administrés (y compris les collyres) améliore la communication entre les différents prescripteurs et diminue le risque d’interactions médicamenteuses.
  • La thérapeutique ne se limite pas à la prescription médicamenteuse : il peut être préférable d’adopter une solution non pharmacologique si elle est pertinente. Il ne faut cependant pas oublier qu’un régime « sans sel » ou « diabétique » mal adapté peut altérer la qualité de vie.
  • Hiérarchiser les traitements en donnant la priorité aux traitements des maladies curables ou retentissant sur la qualité de vie à court terme (antalgiques).
  • Privilégier les traitements qui ont fait preuve d’une efficacité chez la personne âgée, avec un rapport bénéfice/risque acceptable. En ce qui concerne les médicaments d’efficacité discutée (médicaments vaso-actifs cérébraux), leur prescription s’ajoute aux produits déjà administrés et peut entraîner une sélection de la part du malade. A l’inverse leur impact psychologique ne doit pas être sous-estimé.
  • Choisir le produit le mieux étudié en gériatrie, le moins dangereux, ayant la forme galénique la plus adaptée. Eviter dans la mesure du possible les médicaments de longue demi-vie ou de marge thérapeutique étroite. Compte tenu de leur évaluation souvent incomplète après 70 ans les médicaments récemment mis sur le marché doivent être utilisés avec prudence, sans suivre les effets de mode.
  • Choisir si possible les médicaments pouvant concourir au traitement de plusieurs maladies : le choix d’une traitement anti-hypertenseur est le plus souvent guidé par le contexte des autres maladies cardio-vasculaires associées.

Après la prescription : l’évaluation

  • L’évaluation régulière du traitement est particulièrement importante chez la personne âgée. Elle peut conduire à adapter la posologie, voire à arrêter un traitement. Le traitement est-il bien toléré ? Son action est-elle insuffisante ou excessive ? Le contexte clinique a-t-il évolué ? L’indication est-elle modifiée ?
  • Savoir « déprescrire » est aussi important que savoir prescrire. Rediscuter la prescription lors de chaque ordonnance permet d’éliminer certains produitsdevenus inutiles, ou faisant double emploi. Une pathologie intercurrente peut aussi contre-indiquer transitoirement ou définitivement la poursuite d’un médicament antérieurement prescrit. Les traitements qui doivent être obligatoirement« pris à vie » sont très rares.
  • La bonne tolérance initiale à un médicament n’exclut pas le risque d’effetindésirable tardif, favorisé par une affection intercurrente ; Il faut donc programmer une surveillance clinique et paraclinique adaptée au traitement, en particulier si la marge thérapeutique est réduite (digitaliques, théophylline, anti-vitamine K). Les dosages plasmatiques sont souhaitables mais ne sont pas toujours facilement envisageables.
  • Acquérir le « réflexe iatrogène » : considérer tout nouveau symptôme commeun effet indésirable possible. 16 % des troubles cognitifs imposant une hospitalisation sont en fait liés à des médicaments éventuellement déjà prescrits pour d’autres troubles cognitifs psychotropes).
  • L’évaluation thérapeutique doit s’aider des informations obtenues auprès de l’ensemble des intervenants sur les soins donnés au malade (infirmières, pharmacien). A cet égard, le pharmacien est particulièrement bien placé pour connaître la personne âgée et les médicaments qu’elle prend sur prescription ou en automédication. Lui aussi doit expliquer et commenter clairement l’ordonnance lors de la dispensation. Sa vigilance est importante pour déceler d’éventuels effets indésirables rapportés par le malade et pour éviter l’automédication.

Les principes de la prescription thérapeutique

Le professeur Claude Jeandel reprend les principes généraux de la prescription thérapeutique. De nombreux handicaps des personnes âgées et les multiples prescriptions médicamenteuses qui en découlent, concourent à une augmentation inévitable des risques médicamenteux. La recherche d’une pathologie iatrogène doit être systématique dans toute nouvelle démarche médicale.

Connaître la maladie

Poser le diagnostic exact dans la mesure du possible. L’absence de diagnostic précis conduit à ne traiter approximativement que des symptômes et à multiplier les prescriptions médicamenteuses et les risques d’effets indésirables.Evaluer le degré de gravité potentielle (enjeu vital, retentissement sur la qualité de vie) de la maladie nouvelle et de l’ensemble des affections du malade. Quelles sont les maladies dont le traitement devient moins important en fonction de leurs risques ou des plaintes du malade.

Connaître le malade

Apprécier les priorités du malade qui ne sont pas toujours superposables à celles du médecin. La plainte du malade, si elle est négligée, peut conduite à une automédication.L’état cognitif et le mode de vie du malade peuvent influer sur l’observance du traitement : vit-il seul à domicile ou en institution ? Quel est son entourage familial ? L’évaluation de la capacité et de la disponibilité de l’entourage à assister le malade âgé est importante.Rechercher attentivement une automédication (aspirine, laxatifs, vitamines).

Connaître le traitement envisagé

La thérapeutique ne se limite pas à la prescription médicamenteuse : il peut être préférable d’adopter une solution non pharmacologique si elle est pertinente.

Choisir si possible les médicaments pouvant concourir au traitement de plusieurs maladies.

Eviter le double emploi en repérant tous les médicaments qui appartiennent à la même classe thérapeutique, qui contiennent le même principe actif ou qui ont des propriétés pharmacologiques communes.

Adapter la posologie du produit à l’âge et au métabolisme du médicament.

Commencer par des doses faibles. La posologie sera ensuite augmentée en fonction de la tolérance.

Limiter le nombre de médicaments et le nombre d’administrations, avec des heures d’administration facilement mémorisables. Le recours à un pilulier peut être utile.

L’évaluation régulière du traitement est particulièrement importante chez la personne âgée. Elle peut conduire à adapter la posologie, voire à arrêter un traitement. Le traitement est-il bien toléré ? Son action est-elle insuffisante ou excessive ? Le contexte clinique a-t-il évolué ? L’indication est-elle modifiée ?

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