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Alimentation

Les liens entre culture et alimentation - Eclairage de la diététicienne Caroline Rio

Temps de lecture 7 min

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Eclairage de la diététicienne Caroline Rio

Les rayons des libraires regorgent de livres de cuisine et d’ouvrages mettant en avant les dernières modes alimentaires, du régime préhistorique au modèle des centenaires d’Okinawa en passant par le régime crétois…

"La santé dans votre assiette" a attiré notre attention, pour son titre, mais surtout pour celui de la collection dont il fait partie :"Même pas vrai". Cette formule enfantine rassemble "un projet...militant qui engage le lecteur. Une mobilisation, en quelque sorte, contre des pans entiers de fausses vérités, d'amalgames, de clichés qui nous suivent à la trace".


Annie Hubert, anthropologue, directeur de recherche au CNRS s'est attelée à la lourde tâche de nous éclairer. Son fil conducteur : "le doute, meilleure réaction possible et une des premières qualités requises pour la science. Sans douter on ne se pose pas de questions, donc on ne raisonne pas. Face à la pléthore d'informations, alarmante ou pas, que nous avons à affronter tous les jours, doutons! C'est la meilleure attitude pour nous conduire vers un choix raisonné et serein."

L'un des points de vue salutaires souligné l'auteur est le parti pris "ethnocentrique" qui guide les experts de la nutrition. "Or, tous les modèles alimentaires sont possibles et ont été appliqués! Cela n'a pas empêché l'humanité de survivre et, au contraire, cela a démontré notre extraordinaire adaptabilité à des situations très différentes. Le seul biorythme que nous avons tous en commun est celui de dormir la nuit et d'être éveillé le jour : nous sommes une espèce animale diurne. Mais pour le reste, que ce soit les prises alimentaires ou les activités physiques, tout va dépendre de deux choses : l'environnement et la manière dont les cultures humaines s'insèrent dans cet environnement. Tous les cas de figure sont possibles, et pour chaque groupe humain, ses propres biorythmes paraissent les seuls applicables et les seuls "normaux".

Manger une, deux, trois ou cinq fois par jour, se lever très tôt ou se coucher très tard, faire la sieste ou pas, tout cela est géré par la culture. La normalité n'existe qu'au sein d'une même culture, c'est toujours l'Autre qui n'est pas normal. Les biorythmes changent, aussi, au cours de la vie.

"Enfants, adultes et personnes âgées ne fonctionnent pas de la même manière mais ces transformations se font selon des modèles ancrés dans la culture, parce que nous sommes des êtres sociaux, qui ont des rôles définis pour nous permettre d'avoir le sentiment d'exister."

Savoir recevoir les informations avec vigilance et ne pas s'emballer avant d'appliquer des dogmes alimentaires stricts du jour au lendemain est nécessaire.

Il est fondamental de veiller à respecter les façons particulières de s'alimenter. Les habitudes forgent le quotidien et tant qu'à domicile il est possible de les conserver, Carpe diem!

Nos conseils ont pour objectif de vous fixer des repères et non un modèle à suivre à tout prix.

Avant tout, garder le rythme

Bien se nourrir c’est d’abord prêter attention aux repas ! Manger régulièrement, de préférence à table, à une place familière, dans un environnement agréable, dans le calme ou en convivialité. C’est aussi prendre le temps de savourer les mets. Devons nous conserver ou réviser nos habitudes alimentaire ?

Le repas : nécessité biologique ou sociale universelle ?

Se nourrir est tout aussi vital que respirer : le cerveau a besoin d'être alimenté constamment en sucre comme en oxygène. Dans le cas de l'alimentation, toutefois, le corps a la possibilité de différer l'urgence en stockant ce qui est essentiel à sa survie. Les prises alimentaires peuvent être espacées. Le cycle naturel de la digestion est à priori de six heures et les stocks de glycogène (sucre) ne suffisent que pour 24 heures.

La sensation de faim peut être différée de diverses façons. Elle est faible au réveil en raison d'un taux élevé de glucose dans le sang, par exemple.

Les particularismes des sociétés humaines sont larges. Les horaires des repas constituent des éléments culturels importants. On remarque des variations notables des heures et des rythmes alimentaires dans des pays pourtant assez proches par ailleurs. Les Espagnols, par exemple, continuent à dîner tard, "à la fraîche" alors qu’ils ne font plus forcément la sieste et bénéficient aujourd'hui de l'air conditionné !

L’acte de manger commun à tous, devient, au-delà du besoin, l'occasion d'une activité individualisée, ritualisée et partagée. Prendre un repas en commun revêt une grande valeur sociale dans la quasi-totalité des sociétés. De fait, depuis les temps les plus anciens, les hommes se sont constitués en groupes pour assurer deux fonctions essentielles : manger et se reproduire.

Repas ou grignotage ?

Le petit Robert nous dit :
Repas :"nourriture, ensemble d'aliments divers, de mets et de boissons pris en une fois à heures réglées."
Grignotage :"manger très peu du bout des dents"

D’un point de vue nutritionnel, on prend davantage en compte la notion de faim. Le repas coïnciderait au besoin physiologique, tandis que le grignotage serait dicté par l'envie de répondre à un appétit suscité par une stimulation environnementale, impact des sens (odeur, vue) ou vie sociale (invitation à se restaurer...) ; il ne répond pas à une habitude ritualisée comme le goûter par exemple.

L'endémie d'obésité sévissant dans nos sociétés occidentales, le grignotage est vilipendé. Or, historiens et des ethnologues ont montré que c'est en grignotant toutes sortes d'insectes tout au long de la journée, que les paysans précolombiens du Mexique parvenaient à un régime alimentaire suffisamment riche en protéines.

L'essentiel est de permettre à l'organisme de recevoir une alimentation suffisante en quantité et en qualité. Plutôt que de fixer de façon rigide le nombre de repas quotidiens, il conviendrait de savoir s'adapter à la sensation de faim, à l'appétit, au mode de vie.

Le modèle alimentaire français

Depuis les années 1970, les repas se transforment mais résistent à la modernité. On note, certes, un assouplissement en termes de régularité,de composition et de déroulement : repas « sautés », pris en solo, simplifiés le soir ou encore suppression d’un plat dans le repas.

Toutefois, le changement observé ne semble ni généralisé, ni relever d’un bouleversement total. Qu'il s'agisse du "système traditionnel des repas (petit-déjeuner, déjeuner et dîner), des "règles de composition des repas (entrées, plat principal, fromage et dessert), ou des horaires réguliers pour la prise des repas, le schéma traditionnel, reste très majoritaire et ne décline que très lentement.

Conserver et transmettre ce modèle traditionnel apparaît fondamental. En préservant un cadre pour les repas -horaires, composition, environnement,... – on garantit des repères dans la journée,tout en participant au maintien des rythmes chronobiologiques, et en respectant les habitudes de vie de chacun.

En pratique : combien de repas faire chaque jour ?

A partir de 55 ans, le PNNS -Programme National Nutrition Santé- émanant des pouvoirs publics, conseille : "quelles que soient les activités de veiller à conserver un rythme de 3 repas - petit-déjeuner, déjeuner, dîner - par jour, ce qui permet une bonne répartition des apports alimentaires."

Et en cas de petit creux ? "Faire un goûter ou une collation, dans la matinée ou la soirée, en privilégiant yaourts, fromages et fruits"

Adapter nos horaires de repas et les quantités consommées conditionnent notre bien-être. Si le dîner a été pris tôt et/ou est trop léger, le risque d’être réveillé par une sensation de faim augmente. A l'inverse, s'il est trop copieux, la qualité de l’endormissement et de sommeil risquent d’en pâtir : il est difficile recharger les batteries tout en digérant.

A chacun donc de faire preuve de bon sens pour conjuguer plaisir de manger et sommeil réparateur !


Les points à retenir :

1. Prendre le temps de manger à des heures régulières des mets correspondant aux habitudes alimentaires.
2. Manger dans un cadre agréable.
3. Répondre aux invitations à partager les repas, pour rompre autant que possible la solitude ;
4. S'accorder le droit de manger plus souvent que d'habitude, en dehors des repas principaux, dés lors que :
- l'appétit diminue et qu'il devient difficile de manger de grosses quantités à table,
- l'on sort d'une maladie : manger permet de retrouver ses forces et de stabiliser son poids ;
- les besoins énergétiques sont augmentés : insomnies, rééducation (kiné, orthophonie), randonnées pédestres, déambulation consécutive à la maladie d'alzheimer...
5. Avoir à l’esprit que bien manger, sur une table agréablement dressée est aussi important que de bien dormir dans un bon lit, dans des draps propres !

S’inspirer des autres cultures… ou pas !

Petit-déjeuner occidental ou anglo-saxon ?

Le jeûne nocturne ne devrait pas dépasser 12h. Le premier repas de la journée permet donc de "dé-jeûner", c'est pourquoi il est souhaitable de manger le matin. Toutefois, le petit-déjeuner ne représente que 20% de notre apport énergétique journalier.
L'essentiel est de veiller au choix des aliments qui le composent. Notre petit-déjeuner continental risque de ne pas être suffisamment riche en protéines. On peut donc s'inspirer du petit-déjeuner de nos voisins européens-anglais, allemands...- qui n'hésitent pas à manger le matin, fromages, laitages ou œuf.

1, 2, 3 ou 10 repas par jour ?

« En Asie du Sud-Est, on mange habituellement huit à dix fois par jour, de petites quantités à chaque fois, tandis qu’en Occident, on mange en moyenne trois repas principaux bien plus copieux, et une à deux collations. Quelle est la meilleure solution ? Celle qui convient le mieux à son mode de vie. Sans doute. »

Gérard Apfeldorfer "Manger en paix !" aux éditions Odile Jacob

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