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Sur quelle aide compter quand on est gravement malade ?

Auteur Rédaction

Temps de lecture 7 min

Date de publication 19/06/2017

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Quand on avance en âge, qu'on perd en autonomie, le rôle des aidants et le soutien des proches est primordial. De même pour les personnes souffrant de maladies chroniques. Mais qu'attend le malade exactement ? Quelle forme de soutien ? Et qui le lui apporte ? Des sociologues se sont intéressés à cette relation d'aide, en partant du regard de l'aidé. Et les résultats ne sont pas nécessairement ceux qu'on aurait pu imaginer.

relation d'aide maladie chroniqueDe nombreux travaux sociologiques traitant de l’expérience de la maladie, particulièrement des pathologies de longue durée, indiquent le rôle primordial que jouent les proches pendant cette période singulière vécue par les individus. Ils apportent leur aide en effectuant certaines tâches du quotidien, ils soutiennent affectivement le malade, ils peuvent donner des conseils et fournir des informations précieuses concernant la maladie ou son traitement, etc. Effectivement l’entourage du malade peut lui être d’un grand soutien.

La question de la quantification de l’aide reçue par le malade n’est pas accessoire lorsqu’on s’intéresse à la manière dont les individus vivent l’expérience de la maladie et comment ils y font face. Faisant suite à des recherches déjà engagées sur cette question-là au sein de notre équipe, nous avons souhaité identifier, au-delà des discours habituels sur la nécessité d’être soutenu, aidé pendant la maladie, les différentes ressources (informations, conseils, soutien moral, aide matérielle, divers services, etc.) dont bénéficient les patients. Quelles sont les différentes formes d’aides recherchées par les malades ? Qui sont précisément les membres de l’entourage qui procurent ces ressources ? Dans quelles circonstances le soutien est-il recherché et obtenu ? D’ailleurs, ce soutien acquis est-il systématiquement recherché ? Et ne constitue-t-il pas dans certains cas une contrainte plus qu’une ressource ?

Autrement dit, il s’agit de savoir qui apporte quoi au malade. En identifiant tous les moments où de l’aide a été apportée ou recherchée et en repérant qui a fourni cette aide, il devient par exemple possible de déterminer la part des ressources obtenues en dehors du système de soins, c’est-à-dire sans passer par le personnel hospitalier ou le médecin traitant. Il devient également possible de savoir quelles aides ont été recherchées mais non obtenues par les patients. Surtout, une telle approche permet d’éclairer d’un jour nouveau la question des inégalités entre malades, certains pouvant largement s’appuyer sur leur réseau de relations pour les aider et donc mieux faire face à la maladie, et d’autres se retrouver plutôt isolés.

Quelles sont ces ressources que l’on cherche à évaluer ?

Formation aidantsAfin de comptabiliser le soutien apporté aux patients, nous avons étudié 14 parcours de soins au travers d’entretiens avec les malades ainsi que des membres de leur entourage, dans le but de construire le récit de leur maladie. Nous avons cherché à détailler les différentes aides obtenues durant une période qui s’étend des premiers symptômes jusqu’à l’après-cancer. Au total, c’est plus de 1000 ressources qui ont été recensées, soit près de 75 ressources par cas en moyenne, pour des parcours de soins s’étendant sur des périodes allant de 7 mois à plus de 3 ans.

Mais, de ce point de vue, les différences entre malades sont importantes. La patiente la plus soutenue affiche 189 aides recherchées, quand le patient le plus dépourvu en comptabilise seulement une trentaine. Ces différences s’expliquent en partie par la taille du réseau personnel mobilisé : les patients recevant le plus d’aides sont aussi ceux qui ont mobilisé le plus de personnes. Par ailleurs, parmi toutes les aides que les malades disent avoir recherchées seules 3 % n’ont pas été obtenues. Le soutien non obtenu peut se lire comme une défaillance de l’entourage ou du système de soin. Cela a, par exemple, été le cas lorsqu’une patiente recherchant du réconfort auprès de son compagnon après l’annonce de son cancer ne trouve pas le soutien recherché. Dans un autre contexte, un patient explique ne pas être parvenu à prendre contact avec la Ligue contre le Cancer, malgré des démarches répétées.

On note que le soutien obtenu par les malades concerne en majorité l’information et le conseil, à hauteur de 37 % de la totalité des aides. Les informations obtenues portent notamment sur la compréhension de la maladie et sur son traitement. Quant aux conseils, il peut s’agir de manifestations de l’entourage qui incite le patient à se faire suivre par tel hôpital, qui donne son avis sur le choix du traitement ou qui lui recommande d’adopter certains comportements afin de mieux lutter contre la maladie.

Viennent ensuite le soutien émotionnel (3 %), c’est-à-dire les marques d’affection et les encouragements. Là aussi, les malades ne sont pas tous soutenus de la même manière : pour cinq des douze patients on compte moins de 20 marques de soutien émotionnel obtenues quand deux patients en comptent de leur côté près de 80.


Parmi les aides reçues, on trouve enfin les services rendus, comme le transport du malade, les tâches ménagères ou encore les soins prodigués par l’entourage. Par exemple, dans les heures et les jours qui suivent une séance de chimiothérapie, les patients éprouvent souvent une profonde fatigue, les proches peuvent alors prendre le relais en aidant le malade de retour à son domicile dans ses activités quotidiennes.

Qui aide le malade ?

Plus de la moitié des aides reçues par les malades proviennent de leur entourage relationnel, la part restante étant obtenue au travers du système de soin, c’est-à-dire par le personnel hospitalier et les professionnels de santé de ville. Ces derniers sont effectivement bien présents pour informer le malade au moment du diagnostic et pendant la phase des soins ou pour l’accompagner moralement, autant d’actions comptabilisées comme des aides au malade.

solitude personne âgéeL’entourage est quant à lui présent lors de toutes les phases de la trajectoire et fournit plus particulièrement du soutien émotionnel et des aides concrètes (garde d’enfant, cuisine, etc…). En ce qui concerne les conseils reçus, ceux-ci se partagent équitablement entre les membres de l’entourage et les acteurs du système de soins. Ces conseils s’avèrent parfois essentiels dans les orientations que prend la trajectoire du malade. Au bout du compte, on observe une forme de « division du travail de soutien » entre le système de soin et l’entourage du patient.

En décomposant le soutien obtenu par l’intermédiaire de l’entourage relationnel, on observe que près de 60% des ressources sont procurées par l’entourage amical, 30% par la famille et 10% par les collègues de travail et le voisinage.

Mais des variations importantes s’observent d’un patient à l’autre, en fonction de la composition de leur entourage avant la maladie. Pour certains patients, l’expérience du cancer a pour effet de modifier la nature de la relation entretenue avec un cousin éloigné, ou de renforcer une relation avec un voisin ou un collègue. Pour d’autres, le cancer finit d’effriter des liens familiaux ou amicaux déjà distendus. Certaines personnes de l’entourage prennent d’ailleurs une importance particulière au moment de l’annonce du diagnostic. Des amis ou des membres de la famille ayant déjà été traités pour un cancer peuvent en effet être régulièrement sollicités pour faire part de leur expérience. Ils répondent aux questions sur la maladie ou le traitement, ils conseillent de faire appel à tel oncologue ou tel établissement de soins et ils soutiennent moralement le patient qui traverse des épreuves qu’ils ont eux-mêmes connues.

Mais tous les patients ne peuvent pas compter sur de tels soutiens dans leur entourage.

Finalement, déterminer la nature et la somme des soutiens qu’obtiennent les malades et « qui fournit quoi » dans l’entourage des patients, c’est donner à voir aux décideurs en santé publique et au personnel de santé la part « invisible » de l’expérience de la maladie, c’est-à-dire ce qui se passe en dehors de l’hôpital et plus globalement en dehors du système de soin.

Rendre visible ce travail de recherche de soutien réalisé par les malades tout au long de leur parcours en déterminant précisément les aides obtenues pourrait permettre de mieux accompagner les patients en difficulté. En effet, en montrant que des patients obtiennent beaucoup moins d’aides que d’autres durant cette phase difficile de leur vie, les résultats doivent conduire à accorder une attention particulière aux patients qui présentent des réseaux d’aide limités, ou encore ne savent pas tirer avantage des possibilités que leur offre le système de soin.

Article initialement paru dans la revue en ligne Monde sociaux
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