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Trouver son lieu de vie

Famille d'accueil, foyer logement, sorties en bord de mer, Nicole Martin-Rouge, 85 ans, témoigne pour agevillage

Auteur Rédaction

Temps de lecture 21 min

Date de publication 24/01/2011

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Nicole Martin-Rouge a aujourd'hui 85 ans. Mal voyante, elle vit chez elle, à Paris, tout au long de l'année en compagnie d'aides à domicile qui lui permettent de rester autonome. L'été pourtant, lorsque ses aides prennent leurs congés annuels, elle quitte Paris grâce à des solutions relais : famille d'accueil, foyer logement pour aveugles et malvoyants, sorties en bords de mer en compagnie de personnes âgées vivant en appartements d'accueil. Madame Martin-Rouge a tout testé. Et a accepté de nous donner son témoignage. Récit.

Trois semaines en famille d’accueil

3 semaines en famille d'accueil (août 2009)

"1ère semaine
Il y a une semaine, j'arrivais à l'ORMELLE, l'après-midi, conduite par Monsieur Jean-Pierre de l'Essentiel. Je suis immédiatement plongée dans l'atmosphère très conviviale de la maison. Tout le monde s'appelle par son prénom, quel que soit l'âge, la situation ou la fonction occupée (les accueillants, les accueillis, l'auxiliaire ménagère...). Suis-je choquée ? Non, pas vraiment. Mais j'aimerais que cela se passe progressivement... Tout doux "pas sur les chapeaux de roues; il faut m'apprivoiser", comme la rose de Saint-Exupéry.
Ceci dit, je suis habituée maintenant que je commence à mieux connaître tout le monde et à avoir de vraies relations avec les uns et les autres, même avec la centenaire sourde.
Je suis mise à l'aise rapidement grâce à Joëlle (mon hôtesse - famille d'accueil), l'âme vivante de la maison. Elle me donne le mode d'emploi de L'accueilli et du "Bien Vivre Ensemble". Il est simple et non contraignant :
• Etre solidaire,
• Tenter de sortir de soi pour être avec les autres,
• Faire des efforts et être à l'écoute de tous.

Comment ai-je vécu cette première semaine ?
Très bien dans l'ensemble car tout le monde m'a bien accueillie.
Joëlle, mon hôtesse, est unique : elle est partout, disponible, efficace. Elle cherche à faire plaisir à tout le monde. Elle est pleine d'attentions délicates. Attention à ne pas abuser d'elle ! Mais elle a du répondant.
L'organisation de la maison est formidable. La préparation des repas, les courses, l'aide à la centenaire et à tout résident ayant des difficultés (nous sommes 4 en tout : 2 à l'année, 2 en vacances), la lessive, le repassage et mille choses : c'est elle, toujours elle.
Nous faire des surprises, préparer fastueusement les 103 ans de la centenaire, Gaby, c'est encore elle, toujours elle.
C'est donc grâce à elle que mon intégration s'est faite sans douleur et ec un étonnement émerveillé devant une telle ambiance.

Quelles furent mes réactions et les sentiments éprouvés au fil de ces 7 jours ?

Physiquement
J'ai mis 3 à 4 jours à m'adapter. Le 3ème jour je n'étais pas bien du tout et ne suis pas allée déjeuner. J'étais épuisée par cette mise en route si rapide, sur les chapeaux de roues et une chaleur quasi caniculaire. J'ai du rester couchée toute la journée.
Le lendemain cela allait mieux et j'ai commencé à sortir dans le jardin et à mieux structurer les journées. En fin de journée, après les grosses chaleurs, j'allais lire près de la rivière qui longe le fond du jardin: la Voulzie.

Psychologiquement
Je me suis vite adaptée, peut-être trop vite. Je parlais trop (pour entrer en communication). Je me suis calmée. Dans l'ensemble, j'étais contente de tout : de Joëlle, des résidents, des repas, de l'organisation.
Puis vinrent certains jours où je me posais des questions.
- Serais-je capable de rester ici, enfermée jours et nuits, sans sortir, comme à Paris, mais à Paris je suis chez moi avec mon réseau d'aides et je suis indépendante, aérant ma vie.
- Pourrais-je supporter d’être privée aussi d’un téléphone à moi, dans ma chambre. Ici, il n'y a qu'un téléphone familial (sans fil, qui n'est pas branché dans nos chambres, mais que l'on nous apporte si nous sommes appelés).
- Les personnes qui sont là me plaisent-elles vraiment ? Et pourrais-je m'en contenter à longueur de temps, sans renouvellement ? Où sont mes limites et mes possibilités d'ouverture et d'acceptation indéfinie d’autrui ?
- Par nature, par formation personnelle, je suis tournée vers les autres et accepte les différences de milieu, d'éducation, d'opinions, de manières de vivre, d'être... etc. Ce n'est pas tant mon éducation qui a favorisé cela, c'est plutôt moi par mon évolution personnelle qui l'ai acquise.

Cependant, ici, je suis confrontée à toutes ces différences. Vais-je continuer à accepter tout le monde sans réagir ? Ai-je assez de force d'amour positif en moi pour dépasser tout ça ?
Ce petit groupe humain que nous formons est composé de personnes qui nous sont, forcément, imposées et que nous ne connaissions pas auparavant.
Est-il si facile que cela de les accepter telles quelles, sans susceptibilités, et sans heurts ? surtout en groupe réduit, non renouvelé, enfermé. Quelle sorte d'efforts devons-nous faire ?
Je me suis aussi posée une autre question : quand on accepte de vivre dans cette nouvelle famille qui n’est pas notre famille d'origine, nous devons tout accepter : son style de vie, ses modes alimentaires, ses goûts, ses choix, ses horaires, etc. Tout cela est normal mais pas du tout évident pour le nouveau venu qui doit faire beaucoup d'efforts pour les accepter. Et abandonner beaucoup de ses désirs et besoins personnels et habitudes - A quel prix?
Des efforts sont donc à faire des deux côtés (de l'accueilli et de l'accueillant). C'est notre autonomie qui, là, est en jeu. Presque une abdication que notre chère hôtesse, Joëlle, aura à comprendre et nous à la comprendre. Pas facile.
En ce qui me concerne, suis-je prête à cette sorte d'abdication ? Pour ces trois semaines, oui. Pour plus ou définitivement, je ne le crois pas, pour le moment, du moins.
Ne plus être maître de son quotidien, est-ce le rêve? Comment s'y préparer? Quelles compensations y trouver ?

Conclusions de cette première semaine
Je sais déjà, malgré toute la gentillesse de mes hôtes (famille d'accueil) que je ne suis pas du tout prête à aliéner ma vie, malgré mes dépendances physiques actuelles assez importantes, car j'ai encore besoin d'autonomie. C'est un peu comme entrer au couvent, où il faut accepter les règles et obéir à une Supérieure.
Or une famille d'accueil n'est pas un couvent. Et çe n'est pas non plus la vraie famille. Qu'est-ce alors? Cette première expérience me paraît positive. Mais les autres familles d'accueil, comment sont-elles ?

Deuxième semaine - Samedi 15 août 2009
Cette deuxième semaine commence le 15 août par une très forte chaleur exténuante. Cela m'épuise totalement, autant qu'à Paris. J'ai cru que je ne tiendrais pas tout le repas, dehors, sous les arbres. J'ai lutté pour rester avec tout le monde. J'ai réussi à tenir le coup mais au détriment du très bon repas que nous avait mijoté Joëlle (notre hôtesse - famille d'accueil) qui est aussi une incomparable cuisinière. J'ai quand même goûté et apprécié le foie gras poêlé, mais à peine la timbale de légumes et pas du tout la viande.
Après une longue sieste, j'ai peu à peu repris vie.
Notre chère hôtesse, Joëlle, me semble fatiguée, songeuse. Elle n'arrête pas : tous les jours, semaines, dimanches et fêtes.
Va-t-elle pouvoir tenir le coup très longtemps ? Elle a de l'énergie, le sens d'autrui, le cœur à l'ouvrage et surtout beaucoup de générosité.
Comment l'aider, nous les résidents ? En ce qui me concerne, à part écrire, lire un peu (tant que mon œil restant, même très diminué et abimé, me le permettra), je suis incapable physiquement; c'est une découverte journalière que je fais et c'est cela vieillir .... de jour en jour... insidieusement.
Or, pour chacun, cela se fait différemment et en plus ou moins bien. Moi, cela a commencé à mon insu, plus tôt que je ne l'aurais pensé. Il faut accepter mais quelle est la meilleure manière d'accepter ? et comment ? activement ou passivement?

Aujourd'hui, samedi 22 août 2009, je reprends la plume. Beaucoup de choses se sont passées.
D'abord, j'ai mieux supporté la chaleur et même la canicule survenue à la fin de la semaine.
Ensuite, je me suis adaptée plus en douceur et en faisant moins le forcing pour y arriver. Je m'habitue peu à peu, même à ce qui me plait le moins. Une sorte de routine semble s'installer.
L'ensemble est plutôt positif, contrairement à ce que notre hôtesse, Joëlle, m'avait prédit. J'en suis bien heureuse.

Comment ai-je vécu cette deuxième semaine ?
• Avec moins de hauts et de bas.
• Mieux que la première semaine, un peu surfaite.
• Je vois les choses comme elles sont : je n'exagère plus dans un sens, ni dans un autre, je me sens plus naturelle.

Réactions et sentiments éprouvés durant cette deuxième semaine
Physiquement
: nettement mieux.
Psychologiquement : Moins contrainte et surtout, je connais mieux mes hôtes, ma famille d'accueil et les accueillis d'autant que nous sommes en plus petit nombre.
La première semaine il y avait beaucoup plus de personnes (à table 8 ou 9) nouvelles à apprendre à connaître. Maintenant il n'yen a plus que 6. C'est plus intime pour approfondir les relations et commencer à former une famille « recomposée ».

Par contre, je suis consciente que notre hôtesse Joëlle est surchargée. Elle nous concocte des repas très variés, elle s'occupe du linge et aussi de 2 accueillis ayant besoin d'aide, etc. De multiples tâches lui incombent bien qu'elle ait une aide-ménagère plusieurs heures par semaine.
Cette aide, auxiliaire ménagère, est d'une aide très précieuse. C'est une personne de qualité, humaine et qui la seconde parfaitement bien. Mais elle ne peut être là 24h sur 24, comme Joëlle.
Joëlle, notre hôtesse, est finalement assez enfermée avec nous les résidents, les accueillis. D'une certaine façon, elle aussi, est un peu ghettoïsée. C'est un risque qu'elle court. Elle est sans répit, même la nuit.
Tiendra-t-elle le coup encore 5 ou 10 ans jusqu'à sa retraite ? Son mari, Michel, l'aide beaucoup. Il est très gentil avec nous les accueillis mais il n'est pas «officiellement» notre hôte d'accueil. Seule sa femme, ancienne infirmière, a été habilitée par le Conseil Général pour être responsable de famille d'accueil. Son mari, d'une certaine façon, est plus libre.

Conclusions de cette deuxième semaine
Aujourd'hui, dimanche 23 août 2009, je pense m'être bien adaptée, même pour la toilette (peu pratique pour moi). Ceci est une prouesse !
On n'a rien sans peine. Des deux côtés, nous nous sommes efforcés de nous accepter tels que nous étions. Je crois que c'est le sens d'une famille d'accueil qui ne ressemblera jamais ni à la famille de sang, ni à des amis choisis
Mais elle est un réservoir, une occasion de sortir de soi et d'élargir nos possibilités d'attention et d'écoute à autrui.

Troisième et dernière semaine
Samedi 27 août 2009
Il a continué à faire chaud, beau, avec un ciel immuablement bleu, rarement nuageux. Et cela a duré 3 semaines, sans une goutte de pluie ni d'orage. Même en Seine et Marne.
Par ailleurs, physiquement, je suis moins fatiguée. Je marche un peu mais je ne me fais pas trop d'illusions. Il faut que j'accepte.
Ici, l'ambiance psychologique est de mieux en mieux. Nous nous sommes bien acceptés et nous avons de bonnes relations positives et même très chaleureuses entre nous : accueillis et accueillants. Cela tient essentiellement à Joëlle, notre hôtesse - famille d'accueil. Elle prévient et satisfait discrètement et à bon escient certains de nos désirs (non exprimés).
J'énumère, en ce qui me concerne:
• tous les soirs, mes pruneaux,
• mes gouttes dans les yeux 3 fois par jour,
• l'accueil à déjeuner (amélioré) d'un de mes amis venu me rendre visite,
• gentil accueil à d'autres amis venus me voir,
• serviettes de toilettes selon mes manies,
• lumière électrique supplémentaire dans ma chambre pour améliorer ma vision défectueuse, etc ... etc ...
• De multiples attentions qui rendent la vie agréable sans qu'on ait même à le demander.
Mais toujours, pour nous les accueillis, le respect de l'organisation et la convivialité sans quoi la famille d'accueil ne serait pas viable.

II ne faut pas oublier Michel, le mari de Joëlle, qui bien que non habilité à être hôte d'accueil, aide beaucoup sa femme pour les travaux de force (transports, jardinage, courses...). Mais il est plus libre qu'elle de son temps et moins astreint qu'elle car il n'est pas mobilisé24 h sur 24 pour ses accueillis. Malgré cela, elle trouve le temps de nous faire des surprises culinaires, esthétiques (table ornée de belles nappes, de fleurs, de décorations inventées par elle et avec des changements de vaisselle, de couverts suivant fête, occasion ou prétexte à faire la fête).


En conclusion de ces trois semaines
1. Expérience très positive.
2. Découverte de l'apprentissage d'un nouveau mode de vie, exigeant de sortir de soi, donc bénéfique.
3. Découverte de personnes aux milieux, origines, d'éducations très différents, mais qui s'avère très riche humainement. Nos différences s'estompent pour laisser apparaître tout ce qui nous est commun humainement.
4. Par contre, j'ai constaté que le risque de ghettoïsation (pour les accueillis à long terme, beaucoup moins pour les accueillis temporaires) n'était pas seulement du côté des accueillis, mais aussi du côté de notre hôtesse -famille d'accueil.
En effet, elle est tenue ici 24 h sur 24, 7 jours sur 7. Elle travaille beaucoup. Certains résidents à l’année sont défaillants (physiquement et mentalement) et l'accaparent beaucoup. Elle ne prend jamais de vacances ou si peu (8 jours).
Elle aurait besoin de 3 sortes d'aide:
1) Matérielle,
2) Psychologique,
3) Aide au recrutement des accueillis, qui soit plus conforme à ce que devrait être une famille d'accueil.
1 - L'aide matérielle:
Avoir des possibilités de remplacement par des personnes dûment formées pour s'échapper plus souvent de son éventuel ghetto et se ressourcer moralement et physiquement.
2 - L'aide psychologique
Elle aurait besoin de pouvoir exprimer à quelqu'un ce qu'elle ressent, ses difficultés, ses hauts et bas. Ce n'est pas le Conseil Général du département qui l'a habilitée à être famille d'accueil qui peut l'aider. Lui, ne peut-être qu'une aide administrative.
Cette aide psychologique ne passe pas forcément par un professionnel, mais doit surtout être une écoute et un cœur, attentifs et ouverts.
3 - L'aide au recrutement
Il faudrait développer un mode de recrutement des accueillis dans d'autres sphères que médico-sociales pour éviter d'avoir des personnes trop dépendantes qui "mangent" notre hôtesse.
Pour moi, une famille d'accueil n'est pas un établissement comme une maison de retraite, un foyer-logement (médicalisé ou non). Cela doit rester semblable à une famille qui accueille des personnes seules, âgées, mais encore relativement indépendantes et plus ou moins autonomes.
ceci dit, je n'ai expérimenté qu'une seule famille d'accueil.

Foyer-Logement d’aveugles et de malvoyants

J'ai participé à un court séjour d'une dizaine de jours dans un foyer-logement pour personnes âgées aveugles et malvoyantes.

Les aspects positifs :
- Les résidents sont dans un studio meublé à leur guise.
- Ils ont la possibilité d'y préparer leur petit déjeuner et leur repas du soir ainsi que quelques déjeuners qui, pour l'ensemble, doivent être pris en commun dans une grande salle collective.
- Ils peuvent, s'ils en sont capables, seuls ou accompagnés, sortir la journée, mais en prévenant. Ils bénéficient donc d'une certaine liberté d'allées et venues.
- Quelques activités leurs sont proposées:
• scrabble,
• sculpture,
• mots croisés à plusieurs,
• anniversaires une fois par mois.
- Le soir, des étudiants, aveugles ou malvoyants, viennent diner et peuvent rencontrer les « seniors ». Ils amènent une bouffée d'air "transgénérationnelle". Malheureusement, la plupart des seniors dinent chez eux et ne profitent donc pas de cette opportunité.

Les aspects négatifs :
- Il n'existe pas de salon commun où les résidents pourraient se rencontrer la journée ou le soir. Il y a bien une petite salle, genre bar, où l'après-midi, à certaines heures seulement, on peut s'y installer et consommer (un choix limité de boissons).
- Les résidents vivent entre eux : aveugles et malvoyants.
- La salle de restauration collective est grande, sans chaleur, peu conviviale. C'est plus un réfectoire qu'une salle à manger.
- Repas peu alléchants et le même menu est servi pratiquement tous les soirs.
- Aucune vraie animation n'est proposée.
- Le bâtiment se situe dans le 19ème arrondissement, près d'une avenue passante (Jean Jaurès), bruyante, très populaire et loin du Parc des Buttes Chaumont.
- Arrondissement excentré pour la venue éventuelle de visiteurs, rue étroite ne permettant pas le stationnement de voitures.

En conclusion:
Formule acceptable, pour ceux qui disposent encore d'une certaine autonomie et gardent la possibilité d'avoir encore des contacts extérieurs. Par contre, pour ceux qui n'ont pas ces possibilités, risque de ghettoïsation.

Sorties en bord de mer avec des personnes âgées vivant en appartement d’accueil

Ces sorties auxquelles j'ai participé à deux reprises duraient chacune 4 à 5 jours. Elles se déroulaient au bord de la mer avec des personnes âgées vivant en appartement d'accueil à longueur d'année.

Les aspects positifs:
- Ces sorties sont une occasion festive de sortir de l'appartement d'accueil où ces personnes âgées vivent regroupées. La plupart sont en fauteuil roulant, mais pas toutes.
Intellectuellement, à l'exception d'une, elles ne posent pas trop de problèmes si ce n'est ceux liés au vieillissement
- Leur entourage est formidable : Psvchologue. aides-soignantes. aide médico-sociales. auxiliaires de vie.
Tous sont admirables de gentillesse, d'efficacité, de dévouement, de patience et de bonne humeur. Ils devancent leurs besoins: ils les aident, pour leur toilette, l'habillement, le lever, le coucher, le repas etc.
Ils les sortent pour se promener au bord de la mer ou en car dans les environs.
Cette courte évasion de quelques jours eut pour effet de les stimuler.

Les aspects négatifs
- Dans l'ensemble, j'ai constaté une cerlaine passivité (inertie) dont les difficultés physiques et handicaps divers de chacun ne sont pas les seules responsables. En fait, ils se « laissent faire » : être aidés constamment dans les gestes de la vie courante leur enlève tout besoin de faire des efforts. C'est un réflexe normal sans doute, mais comment lutter contre cette tendance pour éviter une trop grande passivité ? A réfléchir.
- L'entourage, à son insu, favorise une certaine infantilisation.
Ils veulent tellement les aider qu'ils se substituent souvent à eux, avec les meilleures intentions du monde et inconsciemment.
Leur langage est souvent celui d'une mère (ou père) à son enfant, d'un maître d'école à un élève .... Ils restent cependant des adultes, même si ce sont des adultes diminués.
- Ces personnes communiquent peu et prennent rarement l'initiative d'entrer en relation avec les autres. Il faut les stimuler, aller à elles pour les faire parler et cela ne marche pas toujours.
C'est flagrant pendant les repas: elles sont concentrées sur la nourriture et c'est tout. J'ai parfois lancé un sujet de discussion, en pure perte, Personne n'a mordu à l'hameçon. Silence total. Pourquoi ? Par timidité ? Crainte ?
- Repli sur soi, c'est aussi un constat. Est-il inéluctable ? et la conséquence automatique de l'âge et des infirmités ? La vie quotidienne avec le même genre de personnes diminuées favorise t'elle cette tendance ?

Cette sortie festive au bord de la mer reste malgré tout "entre soi" d'où le sentiment très fort de ghettoïsation que j'ai ressenti dans ce groupe.
Il y a bien eu un changement de vie, de distractions, de découvertes, mais cela restait sans contact avec d'autres personnes différentes, plus jeunes, (à l'exception des deux jeunes filles qui accompagnaient la psychologue et apportaient une note de gaité) ou étant encore des adultes actifs, d'horizons autres que ceux de leur encadrement habituel.
Bref, pas de métissage social. Un enfermement.

En conclusion de ces 2ème et 3ème expériences :
Je dirais que ce sont celles qui m'ont le plus donnée l'impression de ghettoïsation.
Apparemment, pourtant, toutes les personnes étaient bien traitées, humainement. Elles étaient même les sujets de multiples attentions de la part de leur encadrement.
Alors pourquoi ai-je ainsi ressenti que c'était «inhumain» même si, à première vue, celait paraissait le contraire?
Je crois que cela est dû à l'exclusion, même si elle est involontaire, de toute vie ordinaire avec d'autres personnes différentes d'elles: jeunes, actifs, en bonne santé, ou même malades mais pas atteintes de la même maladie.

En bref la concentration en milieu fermé de personnes identiques ne leur donne pas une image positive d'elles-mêmes. Donc, aucune stimulation pour se dynamiser intellectuellement, affectivement, socialement
Plus de projet personnel A quoi bon ?
Il reste bien sûr les ressources personnelles de chacun pour trouver, là aussi, et même là, un sens à la vie, moyen de se développer et de ne pas s'encrouter. Mais tout le monde a-t-il cette possibilité ? Et cet enfermement favorise t-il cet épanouissement intérieur ?
Il y a là un sujet de réflexion important à développer.

Analyse et conclusions de ces diverses expériences

Aveugles, malvoyants en foyer logement, vacances en famille d'accueil : où ai-je ressenti le plus et le moins ces sentiments de
« ghettoïsation » et « d'inhumanisation» ?

Petite précision :
Je voudrais faire une distinction très nette entre la formule qui consiste à faire vivre ensemble des personnes âgées. diminuées plus ou moins « physiquement» - plus ou moins «sensoriellement» - et plus ou moins ralenties mentalement et psychiquement, sans mixité sociale ni mixité intergénérationnelle, et les personnes qui s'occupent d'elles à longueur de journée et de nuit, souvent admirablement et avec un dévouement sans borne. Elles ne sont pas responsables de ces conséquences presque inévitables. Au contraire, elles y pallient au maximum.
C'est la formule elle-même que j'incrimine et qui engendre, la ghettoïsation et inhumanisation. En effet, est-il normal de vivre privé d'un entourage diversifié comme on l'a eu toute sa vie ? C'est un thème de réflexion à creuser.
N'ayant pas eu d'expérience en maisons de retraite médicalisées (ou pas), où cette ségrégation existe d'emblée, je ne me prononcerai pas sur ces dernièrs. Elles sont diverses et de gestion variée suivant les établissements, mais toutes pratiquent cette formule que j'incrimine.
Cependant, certaines, ai-je ouï-dire, ont compris le danger de cette ségrégation et ont commencé à pratiquer des ouvertures.
Exemple: s'installer près d'une école et favoriser les contacts des jeunes enfants avec les personnes âgées qui y trouvent de la joie et de nouvelles raisons de vivre.

Est-ce réalisable partout ? Peut-on trouver d'autres formules applicables ? Il est nécessaire d'y réfléchir.
N'oublions pas qu'en Afrique les "Vieux" continuent à vivre au village, au milieu de tous et que jadis, chez nous, dans notre vieille Europe, les " Vieux " restaient près de leurs enfants, près de l'âtre, là où ils ont vécu toute leur vie.
Bien sûr, la vie moderne ne permet plus ces solutions. Mais pensons à d'autres, réalisables.

De ces 4 expériences, la palme revient à :
1- l'accueil familial sans conteste (lire mon exposé.sur cette expérience).
Je note cependant qu'il n'est pas sans danger de ghettoïsation, si on doit y vivre à longueur d'année et jusqu'à la fin de sa vie. Mon expérience de 3 semaines ne m'a pas amenée à ressentir cela. Ajoutons que c'était une famille d'accueil exceptionnelle et que je n'en ai connu qu'une. J'ignore comment sont les autres.
2- Ensuite vient loin derrière l'expérience des aveugles et malvoyants en fover-logement.
Il y a de fait et d'emblée une ségrégation puisque ne s'y trouvent que des personnes âgées atteintes de cécité ou de malvoyance. Cependant le foyer-logement, la relative autonomie d'existence atténuent les effets pervers de ghettoïsation. Mais le risque est là. Je l'ai bien ressenti.
3- En dernier. viennent les 2 expériences de sortie extraordinaires en bord de mer avec les résidents âgés d'un appartement d'accueil. Le personnel d'encadrement n'est pas en cause. Il est admirable. Mais c'est là où j'ai ressenti le plus le danger de cette formule et ses effets appauvrissants. D'où mon sentiment de danger de ghettoïsation et d'inhumanisation. Et ce, malgré toute l'humanité indéniable de leur entourage ?

Pourquoi ? est-ce une fatalité due au déclin de la vie Faut-il laisser les choses en l'état ?
Cette formule "d'enfermement" peut-elle s'ouvrir ? s'élargir ?
Est-ce compatible avec la réalité actuelle ? Est-ce une question financière ?
Est-ce une conséquence inéluctable de la vie moderne, des familles réduites, recomposées, logées petitement, des nouvelles conditions de vie familiale où mari et femme travaillent ?
Est-ce un rejet du « vieux » ?
Est-ce notre égoïsme inconscient ?
Toutes ces questions sont et doivent être posées.


CONCLUSION FINALE
Les personnes âgées, isolées, qui ne peuvent plus vivre seules, mais sont encore conscientes d'elles-mêmes, n'ont-elles d'autres solutions que d'être «parquées» ensemble, même dans des résidences luxueuses ?
Y a-t-il d'autres solutions ?
Oui, en donnant la possibilité de rester chez soi tant que c'est possible.
Mais pour cela il faut des aides extérieures, des associations comme L'ESSENTIEL.
Financièrement c'est une solution moins chère. Politiquement est-ce réalisable ?
Nous devons tous nous pencher sérieusement sur ce problème de GHETTOISATION et D'INHUMANISATION de notre époque hyper-technocrate et matérialiste qui ne voit que le rendement et le profit.
Les VIEUX SONT-ILS RENTABLES et PRODUCTIFS?

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