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Connaître vos droits

Qui a envie de mourir dans l'indignité ?

Auteur Rédaction

Temps de lecture 4 min

Date de publication 23/07/2012

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Franchement comment ne pas s'interroger à chaque réouverture de débats sur l'euthanasie : qui a envie de mourir loin de ses proches, isolé, délaissé, abandonné, seul, perdu ? Qui a envie de mourir perclus de douleurs ? Comment ne pas être poussé au suicide quand on se sent inutile, une charge pour les autres ?

Mourir accompagné, soulagé, reconnu ... nous oblige individuellement et collectivement à y penser, à nous organiser, à former les accompagnants (en particulier les professionnels de santé) aux "bonnes pratiques".

Les rapports montrent que nous ne sommes pas encore parvenus à déployer partout sur les territoires des équipes, des services dits de "soins palliatifs". Ils sont encore peu connus, difficilement accessibles (prescription médicale, coûts d'accès), leurs moyens, formations et compétences demandent à être renforcées : accueils personnalisés y compris des proches, soulagement des douleurs physiques, psychologiques (dépressions)...
La question de l'accompagnement de fin de vie est vaste : voir le travail des associations (voir témoignage d'une bénévole de comme Jalmalv), les questions liées à la spiritualité (le grand mystère, la grande angoisse qu'est la mort).
Le temps du mourir interroge aussi. Des équipes revisitent leurs pratiques, leurs modes d'accompagnement avec les proches, leurs formations (je pense au "Vivre et mourir debout®" que je connais bien), et témoignent que le temps du mourir ne s'étire plus sur plusieurs mois mais dure quelques jours.

Trop de témoignages dans les différents congrès de la Société Française pour les soins palliatifs (SFAP), les associations de défense d'une fin de vie "dans la dignité" comme l'ADMD, montrent que de nombreux professionnels ne connaissent pas encore la loi Léonotti de 2005 et ses propositions qui évitent l'acharnement thérapeutique (notamment la désignation d'une personne de confiance, l'écriture de ses directives anticipées qui devront être respectées).

Certaines situations critiques existent encore aujourd'hui, par méconnaissance de la loi, par manque de moyens, de formations.
Faut-il pour autant abandonner la partie ?

D'autres questions se posent (Elles ont été répertoriées par le collectif "Plus digne la vie").
Comme celle-ci : est-ce qu'une offre optimale de services de soins palliatifs professionnels, rassurants, compétents pourrait répondre à toutes les situations exceptionnelles ?

Comme chaque vie, chaque fin de vie est unique, singulière, particulière, mystérieuse, tellement personnelle.
A chacun sa définition de sa qualité de vie, de son autonomie, de sa dignité.
Organiser sa fin de vie fait aussi partie de la vie.

Est-ce qu'une loi résoudrait toutes les situations critiques, les demandes d’euthanasie, de suicide d'assisté, "une bonne fois pour toute" ?
Je m'interroge et suivrai avec intérêt les travaux confiés au Pr Sicard, ancien président du Comité consultatif national d'éthique.

J'imagine que l'on donnera la parole aux différents protagonistes et aussi aux professionnels de soins (souvent les infirmiers/ères) que l'on entend peu, notamment celles et ceux à qui l'on transmet (courageusement) l'ordonnance du produit létal.

Parmi les questions qui me viennent à l'esprit : aura-t-on confiance en son médecin, son infirmière si demain ils peuvent donner la mort ?
Comment poser les précautions pour éviter les abus ?
Je pense à cette britanique octogénaire qui s'était fait tatouer "ne pas réanimer" sur le torse.
Sera-t-on à contrario obligé de se tatouer "je veux vivre" , notamment si on a un "certain âge".
Mais lequel ? Qu'adviendrait-il de Fauja Singh, 101 ans, marathonien, qui a pris un relais pour la flamme olympique de Londres, s'il se blessait gravement dans l'exercice ?
Et si on est atteint de pathologie jugée "invalidante", si on est jugé et qualifié de "légume", si on a plus toute notre tête.

Face aux abus, à l'exploitation de la vulnérabilité, aux comportements odieux (*), aux chantages affectifs, à la dépression... on comprend pourquoi "l'interdit de tuer" se soit imposé depuis des millénaires dans les civilisations et les religions.
Mais face à la douleur physique, morale, face à la mort imminente, notre société ne peut tourner les yeux et laisser les personnes concernées, leurs aidants et les professionnels, seuls. "Cette conception éthique du non abandon ou de la juste présence favorise la proximité, l’échange vrai" précise Emmanuel Hirsch du "Collectif Plus digne la vie". Il participera aux débats lancés par le président de la République.

François Hollande a souhaité que les débats à venir se déroulent dans un climat apaisé. A côté des termes politiquement corrects de "prudence, humilité, courage, sérénité", on peut faire confiance aux artistes, aux humoristiques pour nous secouer sur ces questions. Ils se déchainent en ce moment sur le net (voir ce dessin : "Les enfants nous proposent un séjour en Euthanasie, all inclusive").

De quoi méditer cet été sur les enjeux auxquels nous sommes tous confrontés.
Pour nos proches aujourd'hui.
Pour nous demain.


(*) Pensée pour Tsilla Chelton qui vient de décéder à 94 ans, et restera à jamais une magnifique, géniale, odieuse et indigne "Tatie Danièle".

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