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A 91 ans, le doyen des médecins français sillonne encore la campagne

Auteur Rédaction

Temps de lecture 3 min

Date de publication 24/06/2013

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La retraite ? J’y ai jamais pensé!”

- "La retraite? J'y ai jamais pensé!": à 91 ans, François Le Men, médecin de campagne qui a soigné cinq générations de patients, n'est pas prêt à décrocher sa plaque, installée depuis 1954 à Callac, dans l'ouest de la France.

"Le travail éloigne de nous trois grands maux : l'ennui, le vice et le besoin", se plaît-il à déclamer, citant Voltaire et égratignant au passage la loi française fixant à 35 heures la durée hebdomadaire légale de travail, qui a "démoli la médecine", selon lui.

"Ce qui me plaît, c'est d'être au contact de mes patients, ils m'aiment bien, je les aime bien, ils ne veulent pas non plus que je quitte, alors je reste", explique-t-il, en ne confiant que de "rares" moments de fatigue. "En même temps, je suis un chercheur, j'aime bien faire un diagnostic et trouver ce qu'a le malade", poursuit-il.

Silhouette longiligne, chevelure de neige et visage étonnamment lisse, le très probable doyen des généralistes de France reçoit tous les matins ses patients, en pantoufles et blouse blanche, à son cabinet excentré et un brin défraîchi, situé dans l'ancien magasin d'engrais de ses parents, entre une route et une voie ferrée. Une photo de lui, juché sur son vélo à 80 ans, y dévoile l'un de ses secrets de jouvence: le cyclisme.

Sur son bureau, pas de lecteur de carte de sécurité sociale mais des ouvrages de médecine, alignés au cordeau. Et un téléphone portable qui n'arrête pas de sonner. "Bonjour Aline, oui, je vais passer dans l'après-midi", "A tout à l'heure Annie, bonne santé", "Oui Catherine, je passe te voir", répond le docteur Le Men, entre deux consultations, une prescription d'une pommade "de 1950" et un rendez-vous chez un dermatologue pour l'un de ses patients. Pour l'essentiel, il s'agit de personnes âgées, souvent isolées.

"J'ai de nouveaux patients mais globalement les jeunes ils ne vont pas venir voir un vieux, ils vont voir un jeune" à la maison médicale de Callac (où les médecins ont dépassé les 55 ans, ndlr). "Et quand le jeune ne fait pas bien son boulot, ils viennent me voir", plaisante-t-il.
Les après-midi sont consacrées aux visites, aussi longtemps "qu'il y en a à faire", y compris la nuit et le week-end. Feutre vissé sur la tête, le docteur Le Men enquille les kilomètres sur les routes du canton, au volant d'une de ses trois voitures, dont l'une "avec téléphone au volant" et une décapotable rouge.

Proche de ses patients, il entre chez eux sans frapper, partage des souvenirs de famille; prend la tension, renouvelle les ordonnances, remplit parfois les chèques... "Le métier de médecin demande beaucoup de coeur, on fait partie de la famille des malades", explique le docteur. Aline, 79 ans, se remet d'un oedème pulmonaire. "Je ne sais pas ce que je deviendrai quand il ne sera plus là", dit-elle.

"Y'a pas d'âge quand on fait bien son boulot", assure Emile Dohollou, un agriculteur retraité de 65 ans, qui vient de se faire prendre la tension. "Les infirmiers du coin nous le disent, que le docteur Le Men donne les bons traitements", assure-t-il.

Né le 26 septembre 1921 à Callac, plutôt destiné au commerce, le médecin a commencé à exercer dans les années 1950.
"Il n'y avait pas de médicaments, il fallait qu'on se débrouille avec les moyens du bord : on devait faire pharmacien, dentiste et médecin par dessus le marché. On faisait aussi la chirurgie et les accouchements", raconte-t-il, en citant le cas d'une patiente qu'il a "accouchée huit fois à domicile".
"On trouvait des diphtéries, de la coqueluche; les vaccins ont supprimé beaucoup de maladies", se félicite-t-il, en se remémorant des visites assurées en camion, en moto, en vélo ou à dos de cheval, les jours de neige.

Dans le canton de 6.500 habitants, certains s'interrogent : "est-ce qu'il est toujours apte?", reconnaît la maire de Callac, Carole Le Jeune. "Mais je n'ai jamais eu de plainte et les trois autres médecins ont reconnu que l'aide du docteur Le Men était importante", poursuit-elle. "C'est quelqu'un de précieux pour la commune, il peut transmettre beaucoup de choses".

La moyenne d'âge des généralistes en France est de 52 ans, selon l'Atlas de la démographie médicale 2013.
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