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Les résidences services pour seniors, cadeau empoisonné pour leurs héritiers

Auteur Rédaction

Temps de lecture 4 min

Date de publication 25/08/2013

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Obligé de payer des services qu’on ne consomme pas

Les résidences services réservées aux seniors et les prestations qu'elles proposent à leurs résidents représentent un choix attractif à l'achat, mais se révèlent un fardeau pour leurs héritiers, qui continuent de payer ces prestations facturées au prix fort, même quand l'appartement est vide.

Lorsque Bruno Audon, 58 ans, a reçu en héritage un studio de 38 m2 estimé à 55.000 euros dans une résidence service, il a été ravi. Aujourd'hui assigné en justice pour plus de 30.000 euros d'impayés auprès de cette résidence, le quinquagénaire dénonce un cadeau en réalité "empoisonné" par des charges très lourdes.

Car les résidences services, souvent construites dans les années 1970, fonctionnent sous un régime unique en son genre. Régies par la loi du 10 juillet 1965, elles fournissent à tous les résidents des "services spécifiques" tels que "la restauration, la surveillance, l'aide aux personnes et les loisirs". Des prestations facturées au prix fort, même si l'appartement est vacant et les services non consommés.

"J'ai plongé dans une infernale spirale de dettes", explique Bruno Audon, aujourd'hui président de l'Association des victimes des résidences seniors, qui doit verser chaque mois 400 euros de charges de copropriété. S'y ajoutent 576,91 euros de "redevance services bailleurs", que Bruno Audon est sommée de payer mensuellement à l'Association des résidents de Bocage Parc, sa résidence située à Tours. Il apprend alors que cette "redevance" correspond à des services, facturés en plus de ceux déjà inclus dans les charges de copropriété.

"Chaque mois, je reçois une facture de l'association pour des services que je ne consomme pas, sans aucune explication. Surtout, je n'ai jamais été membre de cette association, alors pourquoi devrais-je payer leurs cotisations ?", explique Bruno Audon, s'appuyant sur la loi de 1901 qui la régit.

"Pour résumer, je payais presque 1.000 euros chaque mois pour la blanchisserie, la restauration, les loisirs d'un locataire fantôme", souligne Bruno Audon, la voix étranglée de colère. Or, "les services non utilisés, par choix ou suite à un décès, n'ont pas à être payés", révèle à l'AFP le cabinet de Michèle Delaunay, ministre déléguée aux Personnes âgées et à l'Autonomie.

Incapable de payer des charges de 976,91 euros chaque mois, Bruno Audon a longtemps cherché à louer le studio à un locataire qui, lui, pourrait les assumer. "Impossible" de trouver quelqu'un en bonne santé capable de payer loyer et charges. Il a alors mis son studio en vente, sans succès. En désespoir de cause, il le propose aux enchères pour un prix initial de 5.000 euros. Mais là encore, les charges ont effrayé les potentiels acheteurs. Impossible aussi de le donner: aucune association caritative ne peut s'encombrer de telles charges. "Cet appartement, c'est une malédiction", se désole-t-il.

Patrick Cosnuau, 58 ans, a lui aussi cessé de payer les charges de son appartement en résidence service au Mans. "Tout ça, c'est une vaste escroquerie", martèle-t-il. "Leur méthode, c'est l'amalgame, pour mieux brouiller les pistes", explique M. Cosnuau, en procès contre sa résidence. "On mélange des services légitimes et des services non autorisés par la loi, comme les aide-soignantes".

Or, la loi de 1965 indique que les résidences services sont "incompatibles avec l'octroi de services de soins ou d'aide et d'accompagnement exclusivement liés à la personne". En clair, les prestations individuelles sont exclues, d'autant plus que "les résidences services s'adressent à des personnes en bonne santé", rappelle Joëlle Le Gall, présidente de la Fédération nationale des associations de personnes âgées et de leurs familles (Fnapaef).

C'est ce manque de "distinction claire entre le loyer/mensualité, les charges de la résidence et les services individualisés" qui est étudié par un groupe de travail dont le rapport est attendu en septembre, indique le cabinet de Michèle Delaunay. Avec de plus en plus d'héritiers refusant de payer leurs charges, plusieurs résidences ont déjà fait faillite, parfois précipitée par des promoteurs immobiliers, dénonce l'Association des Responsables de Copropriétés (ARC).

Ceux-ci achètent des logements à bas prix auprès des héritiers jusqu'à représenter 15% des voix du syndicat, ce qui leur permet selon la loi de 1965 de voter la suppression des services. Ils revendent alors les appartements à un bon prix, délestés de leurs charges, explique l'ARC.

Au grand dam de certains résidents, comme Mme M., qui a souhaité rester anonyme. Sa résidence en Touraine a fait faillite en juin et a licencié 47 personnes. "Si j'ai emménagé dans cette résidence, c'est pour recourir à ces services, pas pour vivre dans un banal immeuble", s'inquiète-t-elle.

"Il ne faut pas oublier que les résidences services sont pour les seniors une opportunité formidable de sortir de leur solitude", souligne Joëlle Le Gall. "Les résidences services ont des avantages, mais elles plongent aussi des propriétaires dans des situations dramatiques. Il faut ouvrir le débat", appelle Bernard Gérard, député-maire UMP de Marcq-en-Baroeul, qui a proposé une loi sur ces résidences.

Contactées par l'AFP, les résidences services concernées étaient injoignables. Celle de Bocage Parc à Tours a "souhaité ne pas rentrer dans le débat".
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