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Aux Pays Bas, le bénévolat rentre en maison de retraite

Auteur Rédaction

Temps de lecture 3 min

Date de publication 21/10/2013

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C’est mon père, après tout”

"Une tasse de café, Mme Lubbers?", demande Henk à une pensionnaire de 92 ans: pour que son père puisse profiter d'une chambre de cette petite maison de retraite néerlandaise, il y travaille quatre heures par mois.

Ici, dans la petite ville de Gouda, au centre des Pays-Bas, l'Etat-Providence classique cède peu à peu la place à la "société de participation", un bouleversement social prôné par le gouvernement au moment où les Etats malades de leur dettes essaient de réduire leurs dépenses.

Si les Pays-Bas sont toujours considérés comme l'un des meilleurs endroits au monde pour vieillir, la population est de fait de plus en plus appelée à participer en échange des avantages sociaux qu'elle reçoit.

Installée paisiblement sur sa chaise roulante électrique dans la salle de vie de cette maison de retraite, Mme Lubbers accepte avec plaisir une tasse de café: "bien noir, s'il te plaît, Henk".

Henk Hom, 45 ans, est grossiste pour les fermiers des alentours, mais il doit donner de son temps pour que son père de 80 ans, Henk également, dispose d'une chambre de cet établissement du village de Stolwijk, près de Gouda, au coeur des prairies néerlandaises.

Son travail consiste surtout à échanger avec les pensionnaires: "écouter les gens qui sont ici, parler avec eux", explique-t-il. "Il y a une femme qui est folle de musique, de certains chanteurs, alors je mets de la musique et elle est heureuse".

"Il s'agit de petites choses, qui ne sont pas difficiles, qui ne demandent qu'un tout petit peu d'efforts et cela les rend heureux", assure cet homme jovial, qui se retrouve donc régulièrement à passer un coup de balai ou cuisiner pour les huit pensionnaires de l'établissement.

Il ne s'occupe jamais des soins. "Les bénévoles ne remplacent pas le personnel formé", assure Rik Remmerswaal, un infirmier de 33 ans. "Nous avons assez de professionnels pour faire les soins, mais pour ces tâches supplémentaires, comme lire, promener, lire le journaux, nous n'avons pas toujours le temps".
"Le but est vraiment d'améliorer le bien-être des pensionnaires, de proposer des soins plus humains", et non faire des économies, assure la directrice de l'établissement, Sylvia Oudenes.

S'il n'est pas question d'obliger les gens à devenir bénévoles, ce qui serait illégal, la maison de retraite parle d'"obligation morale", terme d'un poids non négligeable dans un pays historiquement calviniste.

Et le programme n'a pas manqué de provoquer une certaine controverse. "Cette obligation morale peut mener à des surmenages", estime Mezzo, une association qui défend les droits des bénévoles, dans un communiqué. "Il ne faut pas forcer les gens".

Lors de la phase de test du projet, 15 familles se sont montrées enthousiastes, deux autres se sont laissées convaincre. Seul un fils a décidé de transférer sa mère dans un autre établissement.

Historiquement facile d'accès et performant, le système de soins de santé néerlandais connaît des bouleversements importants du fait des mesures d'austérité décidées par le gouvernement.

D'ici 2015, certaines responsabilités en matière de santé vont être transférées du gouvernement central aux autorités locales, ce qui permettra à l'Etat d'économiser 2 milliards d'euros par an.

Le secrétaire d'État à la Santé, Martin van Rijn, a jugé "encourageante" l'initiative de la maison de retraite de Stolwijk, l'estimant cohérente avec les plans du gouvernement. Il veut aller plus loin appelant les personnes âgées, tant qu'elles le peuvent, à "rendre à la société" en échange de ce qu'elles reçoivent.

Dans un projet de loi, il propose que les personnes âgées, les malades chroniques ou les handicapés dans l'incapacité de travailler aident les écoliers à faire leurs devoirs ou fassent du soutien scolaire pour les enfants en difficulté.

"A tous ceux qui le peuvent, il est demandé de prendre ses responsabilités pour sa propre vie et pour son entourage", avait déclaré le roi Willem-Alexander en septembre, dans un discours écrit par le Premier ministre Mark Rutte, qui faisait écho au concept de "Big Society" prôné par le gouvernement britannique, coalition entre les libéraux-démocrates et les conservateurs.

En présentant son budget mi-septembre, le gouvernement néerlandais avait annoncé que l'Etat-Providence, tel que le pays l'a connu dans la deuxième partie du XXe siècle, était condamné.

Pour Henk, ce n'est pas vraiment une obligation de venir s'occuper de son père et des autres pensionnaires : "ce n'est pas vraiment du travail, tu viens de toute façon en visite", assure-t-il. "C'est mon père, après tout".
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