Aller sur la navigation Aller au contenu principal Aller sur la recherche

Les psychiatres américains déplorent la crise de l'innovation dans les médicaments

Auteur Rédaction

Temps de lecture 3 min

Date de publication 03/11/2013

0 commentaires

Difficile d’expliquer à un patient que nous n’avons rien à lui offrir”

Les psychiatres américains s'inquiètent de la crise dans le secteur de la recherche de traitements des maladies mentales qui touchent 25% de la population aux Etats-Unis, la plupart des laboratoires ayant fortement réduit leurs investissements dans ces pathologies.

"Il semble que les groupes pharmaceutiques aient conclu que le développement
de nouveaux traitements psychiatriques est trop risqué et trop onéreux", explique le Dr Richard Friedman, professeur de psychiatrie à la faculté de médecine Weill Cornell à New York.

Le désengagement est intervenu après une série d'échecs d'essais cliniques d'antidépresseurs et d'antipsychotiques, relève-t-il.

Ce retrait était frappant à la conférence de la Société américaine de pharmacie clinique et thérapeutique (ASCPT) en 2011. Seules treize des 300 présentations portaient sur la psycho-pharmacie et aucune ne faisait état d'un nouveau médicament, précise le Dr Friedman.

"Le résultat c'est qu'il y a très peu de nouveaux médicaments en développement dans les cartons" et que tous les antidépresseurs et antipsychotiques aujourd'hui sur le marché visent les mêmes cibles moléculaires que leurs prototypes dans les années 50, tout en étant plus sûrs et avec moins d'effets secondaires.

Les laboratoires préfèrent investir dans le cancer, les maladies cardiovasculaires et le diabète, dont les cibles biologiques pour des traitements sont bien définies et plus faciles à étudier que dans les troubles mentaux, ajoute le Dr Friedman. Il souligne "qu'il faut un milliard de dollars pour mettre au point un nouveau médicament".

"Le cerveau est extrêmement complexe et les maladies mentales résultent à la fois de troubles neurochimiques et des circuits nerveux ainsi que d'interactions compliquées des gènes et de l'environnement", explique le Dr Paul Summergrad, directeur du département de psychiatrie à l'Université Tufts à Boston et président de l'Association américaine de psychiatrie.

"De ce fait, il est plus difficile d'étudier ces maladies, scientifiquement parlant", dit-il. Le Dr Summergrad fait valoir le développement depuis une vingtaine d'années de nouveaux outils de recherche comme l'optogénétique -- technique qui rend les neurones sensibles à la lumière --, la génomique et les cellules souches, qui apportent un nouvel éclairage physiologique sur ces pathologies.

Mais malgré cela, il estime que "les maladies mentales restent un défi pour l'industrie pharmaceutique et c'est l'une des raisons pour lesquelles elle s'est désengagée de cette recherche".

Soulignant les coûts des soins médicaux et socio-économiques très élevés des maladies mentales qui, selon lui, se chiffrent en centaines de milliards de dollars, il juge "très troublant que de nombreux grands laboratoires se retirent de ce champ de recherche parce que d'autres pathologies sont potentiellement plus rentables et moins risquées".

Le psychiatre relève aussi la réduction des fonds octroyés aux Instituts américains de la santé (NIH) qui sont essentiels pour la recherche fondamentale.

Interrogés par l'AFP sur leurs investissements dans la recherche psychiatrique, seul Merck, l'un des cinq grands laboratoires, avait répondu en fin de semaine. "Puisque nous faisons très peu (de recherches) dans ce domaine nous nous abstiendrons de commenter", a écrit dans un courrier électronique une porte-parole du groupe américain tout en indiquant que "Merck se concentrait sur la maladie d'Alzheimer".

Outre Merck, l'AFP a sollicité les américains Pfizer, Bristol-Myers Squibb, le français Sanofi et le britannique GlaxoSmithKline. Pour le Dr Liza Gold, professeur de psychiatrie clinique à l'Université Georgetown à Washington "ce manque de nouveaux médicaments est un vrai problème médical quand les anciens traitements ne sont plus efficaces" ou que leurs effets secondaires sont importants chez certains patients. "Il est difficile d'expliquer à un malade que nous n'avons rien d'autre à lui offrir", confie-t-elle.

Ces psychiatres fondent leur espoir sur le projet de recherche lancé en 2013 par le président Barack Obama pour percer les mystères du cerveau qui, comme le relève le Dr Friedman, "est porteur de grands espoirs pour comprendre les mécanismes fondamentaux des maladies, mais aussi de ce qui est normal".
Partager cet article

Sur le même sujet