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Comment accompagner au mieux l'entrée en maison de retraite de son parent âgé ? Troisième partie : accompagner l'entrée

Auteur Rédaction

Temps de lecture 5 min

Date de publication 15/09/2014

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Les conseils du Dr Bernard Pradines

Bernard PradinesSans prétendre à l’exhaustivité, mon propos de ce jour aura l’ambition de dégager les aspects importants de ce temps bien particulier.

Le jour de l’entrée en établissement et les jours suivants, la présence active de membres de sa famille ou de proches auprès du nouveau résident peut être considérée comme indispensable. La première impression et les premiers contacts, en partie liés à l’attitude et à la parole des aidants habituels, conditionneront la qualité relationnelle future dans un endroit qui est avant tout celui d’une rencontre interhumaine. Ainsi, les premiers rapports entre famille et soignants peuvent-ils être favorables ou nocifs pour le nouvel arrivant.

La transmission d’informations pratiques pertinentes, toujours incomplète sur le papier, doit être complétée verbalement. C’est un élément d’adaptation plus ou moins réussie.
Un seul exemple parmi d’autres : les dossiers médicaux disent une petite partie de la vie du nouveau résident.
Avec honte, j’avoue qu’ils disent peu de choses des données relatives à la santé. Les interventions chirurgicales antérieures sont souvent bien documentées, comme les pathologies ayant nécessité une hospitalisation, à condition toutefois de disposer des documents correspondants. Par contre certains aspects, ici cruciaux, peuvent être omis, tels que les douleurs, les chutes, les troubles cognitifs ou l’humeur dépressive. Dans la pratique, c’est la famille qui fournit les renseignements les plus utiles au médecin si ce dernier n’est pas le généraliste habituel. Il s’agit d’éléments de dossier et, mieux, de la description des symptômes pénibles habituellement ressentis par son parent ainsi que des circonstances de leur survenue.

Au-delà des formalités pratiques, il s’agit d’accompagner la personne dans un moment délicat. Comme un malheur n’arrive jamais seul, bien des institutionnalisations cumulent d’autres difficultés, en particulier des soucis pour d’autres membres de la famille. Fréquente est celle de l’hospitalisation du conjoint ayant conduit à « placer Mamie car Papy est hospitalisé et nous ne savons pas ce qu’il va devenir ».

Ainsi, l’émotion peut-elle être encore plus grande pour la famille, toujours culpabilisée, que pour la personne directement concernée. Au point que des phrases bizarres peuvent être prononcées. L’une d’elles peine à disparaître : « tu es ici en maison de repos pour quelques jours ». Une autre est du même goût : « tu vas faire ici des examens pour mieux te soigner ». Ceci est du plus mauvais effet pour le résident et pour son nouvel environnement humain. Il s’agit presque toujours d’un mensonge. Une tromperie qui suppose de surcroît que des relations positives, agréables, ne pourront pas être établies entre le nouvel arrivant et les professionnels de l’établissement car plus ou moins consciemment conçues comme réservées à la famille.

Etre informé et accompagné par des personnes ayant vécu ce genre de situation peut s’avérer utile, par exemple par des aidants engagés dans France Alzheimer ou bien par des bénévoles présents dans l’établissement. En sachant que chaque expérience est unique.

Les récriminations précoces des familles sont parfois fondées, parfois non. Il peut s’agir pour elles de se décharger un peu de la honte du placement : une condition historique et culturelle nouvelle à laquelle nous ne nous sommes pas « faits ». Ainsi, les soignants peuvent-ils être suspects de s’occuper « plus mal de maman que je ne l’aurais fait ». Inavouable jalousie parfois : « ils s’en occupent mieux que moi ». Un reproche qui peut leur être adressé est ainsi formulé : « nous payons et voici le résultat ! ». Ce qui ne peut qu’irriter des soignants qui sont les premiers à ressentir les insuffisances en moyens, autrement dit la distance entre le soin idéal et celui qui est prodigué. Par exemple, leur incapacité totale ou partielle à répondre aux demandes d’accompagnement aux toilettes est une souffrance partagée entre les familles, les résidents et ceux qui sont censés les aider. La reconnaissance de ce travail, physiquement et psychologiquement difficile, n’est pas toujours au rendez-vous. N’oublions pas qu’il s’agit neuf fois sur dix de femmes qui mènent une triple vie : celle d’épouse, de mère -éventuellement seule- et de professionnelle. Autant dire que la fatigue, voire l’épuisement, ne sont pas forcément bien loin.

Le résident, dès son entrée, crée des relations particulières avec les professionnels qui seront amenés à s’occuper de lui. Aussi, la représentation qu’ils se font de ce nouvel arrivant est-elle de la plus grande importance. J’ai pourtant pu assister à ce paradoxe : dans leur grande souffrance, des familles avaient tendance à noircir les problèmes, en particulier les comportements antérieurs du résident, afin de justifier l’impossibilité du maintien à domicile. Imaginons le merveilleux encouragement dispensé aux professionnels par des propos tels que : « il est impossible, nous n’avons pas pu le garder ! » ou bien « il ne nous a jamais regardés ! » ou encore « elle a toujours été comme ça !», ou toute autre récrimination justifiant que l’on place le récalcitrant !

Chez les soignants, une considération radicale et injuste, moralisatrice, serait de décréter que les familles viennent « abandonner » leurs parents : un jugement d’autant plus tentant si les proches sont enclins à formuler d’emblée des reproches.
Il est coutumier, en milieu soignant, de prétendre qu’il convient de ne jamais juger les malades et leurs familles. N’en croyez rien ! Il est impossible de se priver d’une appréciation fondée sur des normes. Il s’agit seulement de savoir ce que l’on fera de son jugement. Attention donc au discours sur ce « papa qui ne s’est jamais occupé de nous » ou bien « cette maman qui était toujours froide avec ses enfants » ! Ces considérations peuvent faire écho à l’histoire personnelle et aux valeurs des soignants. Mieux vaut faire transiter ces paroles libératoires par le truchement de la psychologue, ici aussi le plus souvent une femme, dont la présence est désormais moins cachectique en établissement.

En conclusion, l’entrée en EHPAD est un moment délicat, important et inhabituel. Elle demande disponibilité et effort de la part de tous les protagonistes : résident, famille et professionnels. Sa qualité conditionne en grande partie les indispensables relations futures.

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