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Maison de retraite - Manque de moyens, épuisements, grève : il faut se mobiliser pour les 728 000 résidents en EHPAD

Auteur Rédaction

Temps de lecture 5 min

Date de publication 24/07/2017

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Et les professionnels qui les accompagnent

Le journal Le Monde a fait sa Une la semaine dernière sur une enquête de Florence Aubenas sur la plus longue grève de France qui se déroule dans un EHPAD (Etablissement pour personnes âgées dépendante) du Jura. Son titre fait froid dans le dos "On ne les met pas au lit, on les jette".
Soins dans des cadences folles, manque de valorisations, perte de sens... les professionnels (très majoritairement des femmes) se sont arrêtées de travailler. Elles réclament de meilleures conditions de travail et des revalorisations salariales.


maison de retraite manque de moyens épuisements grèvesPrendre soin des résidents et des salariés

Le nombre de salariés prévus pour faire fonctionner la structure est de 50 postes équivalents temps plein pour 75 résidents selon la direction (y compris les 2 postes d'aides-soignantes récemment octroyés par l'agence régionale de santé). Soit 0,66 professionnel par résident, ce qui correspond à la moyenne nationale des EHPAD mais reste loin des demandes des fédérations professionnelles et même du Plan Solidarité Grand Age qui vise 0,8 professionnels par résident.
Car il s'agit d'accompagner 24 heures sur 24 et 7 jours du 7 des personnes âgées de plus en plus fragilisées, malades, désorientées, ainsi que leurs proches aidants, leurs familles elles-aussi fragilisées, et souvent culpabilisées.
Prendre soin des 728 000 résidents (30% des plus de 90 ans selon la Drees) c'est aussi prendre soin des professionnels qui les accompagnent chaque jour.


Combien de personnels pour quelle qualité de prendre soin ?

On le voit dans l'article du journal le Monde : chacun veut bien faire mais la "pression des besoins en soins" est plus forte et l'on tombe dans des soins déshumanisés, des "cadences" (comme à l'usine) qui épuisent. Les personnels réclament plus de moyens et aussi une revalorisation de leurs métiers, de leurs salaires.
Les besoins en soins, en prendre soin des résidents sont réels. Ils sont évalués via des grilles (Aggir pour la dépendance, Pathos pour les soins).
Selon les cotations et les tarifs Dépendance fixés par les départements et Soins (Assurance maladie), la dotation en personnel des 7700 EHPAD variera. A l'extrême, un très bel établissement de standing, "cher" pourrait avoir une dotation dépendance et soin tendue au regard des besoins des résidents accueillis.
Les tarifs affichés et communiqués (dans le portail gouvernemental) permettent de juger du "reste à charge" pour les résidents et leurs proches, mais ils ne détaillent pas ce "nombre de personnel" attitrés.


Le nombre de personnels et la qualité de la politique de prise en soin.

Qu'est-ce qu'un soin de qualité ? Peut-on envisager des accompagnements aux toilettes de qualité chaque jour ? Des repas appétissants et personnalisés ? Des horaires qui s'adaptent aux rythmes de vie des personnes ?
Pourquoi ces soins, ces toilettes à la chaîne ? Pourquoi tous ces repas mixés ? Pourquoi cette course perpétuelle ?
La qualité passe par ces questions quotidiennes, par une prise de conscience du vécu des équipes, en allant avec elles, sur le terrain, en bougeant les lignes, les pratiques, pas à pas.
Pour cela il faut du temps, des apprentissages de techniques adaptées de prendre soin, des temps d'analyses de pratique, un encadrement. Sans oublier une vision claire et partagée du prendre soin, avec les proches.
On le voit, le nombre de personnels est tendu. A la moindre absence, il faut réinterroger l'organisation de la journée.
Ne pas ajouter de la misère à la misère.
Quitte à refuser d'agir à l'encontre de ses valeurs. Quitter ou se mettre en grève pour dénoncer et être entendu.


Qui évalue la qualité du prendre soin ?

Chacun des 7700 EHPAD publics, associatifs, privés commerciaux, ne peut être autorisé sans répondre à des exigences réglementaires, administratives, des règles de bonnes pratiques professionnelles recommandées par l'Anesm (Agence nationale de l'évaluation et de la qualité) et des contrôles budgétaires des autorités de tarification. Concernant la qualité de l'accompagnement, tous les 5 ans des évaluations internes et tous les 7 ans, des évaluations externes sont obligatoires.
Mais l'Etat n'a pas mis en oeuvre de référentiel de qualité du prendre soin opposable. Chaque EHPAD rédige le sien. Certains choisissent la norme Afnor ou le référentiel Qualicert, d'autre ont créé le Label Humanitude, 1er label de bientraitance.


Développer la confiance

Quand on paie des sommes importantes pour que la personne hébergée soit bien traitée (2200 euros en moyenne, 1 700 euros une fois les aides épuisées), on rêve d'un établissement performant, sécurisant, confortable, adapté au projet de vie de son proche...
Mais face à ce rêve, notre pays ne dote pas suffisamment les structures de personnels formés et d'un cadre clair sur la qualité du prendre soin attendue (avec les organisations adaptées).
Les contrats de séjour, les visites préalables, les séjours temporaires, les déjeuners sur place vont aider à choisir, à prendre ses marques.
Le professionnalisme des équipes (qui doivent être en nombre suffisant), la clarté du projet de l'établissement, la traçabilité de ses accompagnements quotidiens vont rassurer.
Nous sommes dans un environnement complexe, humain, où la maladie, la mort qui rôde, perturbent et dérangent les repères, les ordonnancements.
Sans relations, sans ajustements quotidiens, les injonctions peuvent devenir contradictoires et donc épuisantes.
Les risques de passage en force auront des conséquences sur la santé du résident et sur l'épuisement psychique des professionnels.
Il faut les dénoncer, auprès de la direction, auprès des autorités de tarification, auprès du 3977.
Ces salariés du Jura racontés par Florence Aubenas, ont eu cette forme de courage, en osant lancer une grève et la tenir.
Et il faut avancer.

Comment obtenir un nombre suffisant de professionnels formés et compétents à l'accompagnement très spécifique, de grande technicité des troubles du comportement, de la fin de vie ?

Et si on se retrouvait autour d'un cadre clair partagé par les résidents, les proches, les équipes, la direction (son conseil d'administration, ses autorités de tarification) ?
Et si le dialogue se renouait avec des professionnels valorisés emmenés par une direction disponible et à l'écoute ?
Et si des contre-pouvoirs constructifs s'activaient comme le conseil de la vie sociale (CVS), une association de familles (La Fnapaef, Fédération des associations de familles et résidents, avance vers des actions de prévention des conflits), les partenaires sociaux ?
Et si l'on n'avait plus honte de devoir être aidé ?
Et si l'on pouvait être fière de travailler en maison de retraite ? (au même titre que dans une crèche, une école, à l'hôpital ?)
Et si l'on organisait ensemble une forme d'alliance thérapeutique, pour accompagner avec douceur, avec fierté, cette dernière partie de la vie, en EHPAD.

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