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Point de vue : les ressorts du sacrifice de l'aidante ou de l'aidant

Auteur Rédaction

Temps de lecture 3 min

Date de publication 02/10/2017

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tribune de Bernard PradinesChacun s’accorde pour conseiller aux aidants de se ménager, de s’épargner pour éviter le burn-out, l’épuisement, la décompensation d’une pathologie somatique ou psychique voire un décès plus précoce que celui de l’aidé.
Pourtant, que vaut un conseil moralisateur pour prévenir le sacrifice que l’on redoute chez l’aidant ? Les ressorts de ce processus ne doivent-ils pas être envisagés et compris ?

Dans ce but, j’ai considéré les facteurs susceptibles d’expliquer des attitudes d’abnégation qui peuvent mener au renoncement de soi.

L’appréhension des établissements


En témoignent les enquêtes d’opinion qui montrent régulièrement la répulsion des personnes âgées à l’idée de devoir quitter leur domicile pour rejoindre un lieu collectif.

La crainte de l’entrée en établissement est souvent commune à l’aidé et à l’aidant avec une connotation d’indignité de séparation et d’abandon. S’y ajoutent la réputation de maltraitance dans les résidences, une « notoriété » entretenue par un affichage médiatique au coup par coup sur le mode du scandale.

Quant à lui, le seul coût élevé de l’hébergement est souvent rédhibitoire.

Les sentiments sont souvent les motifs allégués ; l’amour, l’amitié, la compassion peuvent motiver un dévouement extrême, parfois irréaliste. Ceux qui placent leurs parents en établissement sont encore sourdement soupçonnés de ne pas les aimer suffisamment.

Le poids de la culture et de l’histoire


La réciprocité, c’est la dette, le fait de se sentir en débit envers l’aidé. Qu’il soit un ascendant car il nous a donné la vie et soutenu tout au long de notre parcours, surtout dans les moments difficiles. Ou qu’il soit un conjoint bienveillant car le divorce blanc serait une rupture de contrat, une trahison finale.

La valorisation morale permet d’affirmer urbi et orbi que l’on a « gardé » à la maison son proche jusqu’à la fin. A l’inverse, il convient de se justifier auprès de son entourage d’avoir placé celle ou celui que l’on aime.

Le poids de la tradition collective est à l’œuvre. Sur environ 1100 personnes que j’ai eu l’occasion de soigner en 18 ans et demi en service de soins de longue durée, le nombre de celles qui avaient placé leur propre parent se comptaient sur les doigts d’une main. La tradition familiale intervient à son tour en modulant la force de la tradition collective.

La valeur du sacrifice est elle aussi fortement présente ; l’héroïsme n’a-t-il pas justifié des millions de décès pour des sacrifices qui sont censés avoir sauvé la patrie ? Dans une société fortement imprégnée par le christianisme, le sacré n’a-t-il aucune relation avec le don suprême de soi ?

Le déni de l’incapacité d’assumer une tâche impossible


Le phénomène « sandwich » peut placer l’aidant en position de s’occuper de ses enfants, surtout de ses petits-enfants et ses propres parents. Et ceci d’autant plus souvent que l’espérance de vie s’accroit et que les enfants d’âge moyen recourent à leurs parents pour s’occuper des petits-enfants. Les impératifs professionnels pèsent de tout leur poids dans ce domaine.

La vulnérabilité de l’aidant est variable. Le recul de l’âge de la retraite peut solliciter l’aidant à un âge plus avancé s’il veut se rendre utile auprès de son proche en difficulté. La santé de l’aidant, la pression familiale qui peut s’exercer sur lui, l’intensité de sa culpabilité, sa situation sociale et financière, la surestimation de ses capacités, sa « toute-puissance », vont jouer leur rôle. Autant de situations variées, souvent cumulatives, qui peuvent être accablantes.

En somme, les conseilleurs ne sont pas les payeurs. Il convient avant tout de comprendre les aidants pour mieux les accompagner. Sinon, un reproche supplémentaire pèsera sur eux : celui de ne pas savoir se préserver. Ils n’en ont pas besoin. Ceci ne les aidera pas …
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