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Bien vieillir (prendre soin de soi)

Confinement et dynamique sociale : c'est possible !

Auteur Rédaction

Temps de lecture 8 min

Date de publication 25/11/2020

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Covid-19 : retours d’expérience et préconisations de l’équipe Humanitude Vie Sociale

Alors que la crise sanitaire perdure et que les Ehpad sont lourdement touchés, l’équipe Humanitude Vie Sociale fait part de son expérience sur le terrain et délivre ses conseils pour maintenir une vie animée au sein des établissements malgré un contexte particulièrement pesant.


On s’en doutait sans y croire : le reconfinement s'est généralise pour au moins un mois. Moins violent qu’au printemps concernant les Ehpad, car aujourd’hui les visites sont maintenues et la vie sociale encouragée.

Nous avons suivi plusieurs établissements pendant le confinement et repris les formations Humanitude à la Dynamique Sociale en septembre/octobre. Nous avons pu mesurer les conséquences des choix contraints ou pas, d’organisation du confinement de printemps.

Fort de cette expérience, l’équipe Humanitude Vie Sociale vous propose quelques préconisations pour réussir malgré tout à maintenir l’envie dans les institutions.

L’organisation tout d’abord


L’expérience du premier confinement nous a démontré que le moins pire des choix était d’opter pour un confinement en secteur, autant pour les résidents que pour le personnel.

Certains ont choisi une organisation en périodes de 10h pour éviter les croisements au maximum et favoriser une proximité rassurante avec des habitants fragiles.

Cette présence constante peut éviter les fluctuations et les ruptures de rythme de vie.

Alice, responsable de vie sociale d’un Ehpad de Bretagne témoigne :

« A l’Ehpad, les repas sont organisés par quartier pour les résidents qui ont besoin d’aide. Le restaurant est ouvert et le plan de table organisé de façon à ce que les résidents mangent avec des personnes de leur quartier. Les professionnels mangent soit par quartier soit espacé en salle de pause (pas plus de 6) ».

L’inconvénient qu’il faut impérativement compenser, est le manque de circulation et d’exercices physiques adaptées.

Entretenir la dynamique, l’espoir, les projets, les rêves


Il faut considérer deux types d’habitants : ceux qui sont conscients de la situation et ceux qui n’en sont pas conscients.

Pour ceux qui en sont conscients et expriment leurs frustrations : nous proposons de partir de ces frustrations pour construire une vision d’avenir.

« L’espoir fait vivre » dit l’adage. A nous de l’entretenir et nous projeter dans une perspective à moyen terme.

Laurent, animateur en Ehpad du Centre-Est raconte :

« Lors du premier confinement. Alors que les résidents était bloqués en chambre, voici une conversation avec une habitante.
Vous souffrez de ne pas pouvoir sortir…
Oui ! c’est terrible d’être coincée ici toute la journée…
Lorsque nous pourrons sortir, où aimeriez-vous aller ?
Marcher dans le sable… au bord de la mer…
Et si on préparait cette sortie ? »
Laurent a parlé de cette envie à d’autres habitants qui se plaignaient aussi de l’enfermement.
Ça vous dirait vous aussi d’aller au bord de la mer ? »

Et chacun dans son coin s’est mis à espérer, à se projeter, à organiser… à être vivant.
Laurent a organisé sa sortie, sans savoir exactement quand elle pourrait avoir lieu, mais en étant certain qu’elle aurait lieu. La dynamique de vie s’est propagée. Chaque projet pensé individuellement est devenu un projet collectif, qui ne s’est toujours pas réalisé mais qui reste vivant, qui rend vivant.

Laurent prospecte actuellement des gîtes d’accueil et propose aux personnes intéressées de l’aider dans ses recherches. Il va passer l’hiver à rechercher des financements avec les résidents…


La vie continue


Marie, animatrice en Normandie, nous raconte que pour sa part elle travaille à la projection des fêtes de Noël. Pourtant, la demande de remettre en place les Skypes et rendez-vous téléphoniques prend énormément de temps, mais c’est aussi un plus pour faire le lien avec les familles.

Niveau moral, malgré ces réalités, beaucoup se projettent et réfléchissent à la manière de fêter Noël malgré tout (avec des petits cadeaux, des cartes....).

Ce qui semble avoir brisé la dynamique sociale du premier confinement, c’est plutôt l’absence de perspectives, avec une vision au jour le jour. Réaliser ses rêves, c’est être heureux. Etre sur le chemin qui mène à ces rêves, c’est être vivant. Enfermé dans une vision au jour le jour, sans perspective, brise toute dynamique sociale.

Pour les habitants qui ne sont pas conscients de la situation et qui vivent leur vie par les émotions : l’enjeu est la qualité de l’environnement.

Ces personnes sont des éponges émotionnelles qui absorbent le climat ambiant. L’importance est de maintenir une ambiance positive, grâce à l’état d’esprit des accompagnants mais aussi des autres résidents dont l’énergie, l’envie, les projets vont rayonner.

Ce climat ambiant favorable sera aussi soutenu par une fluidité sensorielle sans changement brusque, sans rupture de rythme.

Vivre en petite unité, avec un personnel présent quasiment en permanence, c’est comme vivre dans un même cocon émotionnel. On pense ainsi à l’intérêt du PASA (Pôle d’activité et de soins adaptés).

Alice, responsable vie sociale d’un Ehpad de Bretagne :

« Chez nous, l’organisation des activités se fait comme avant (enfin…pas vraiment mais bon). Les résidents sont installés par quartier. Certains s’installent en grande salle, en petit comité, avec le maintien des distances ou le port du masque quand c’est possible et les résidents sont installés par quartier. Nous allons aussi remobiliser les bénévoles. »


Le lien familial


Ce confinement permet les visites de famille. Très bien, mais attention à ne pas transformer les animateurs en portiers !

Comme vous avez su le faire lors du précédent confinement en utilisant les outils numériques, le contact avec les familles peut être développé durant cette période.

Les échanges seront peut-être moins nombreux mais peut-être plus intenses. Le constat est qu’ils vont pouvoir se répéter dans la durée (par le numérique ou par des souvenirs évoqués ensemble durant la rencontre).

Si les personnes orientées sauront évoquer leur famille si elle souhaite, les personnes qui ont des troubles mnésiques auront plus de difficultés à prolonger le plaisir d’une visite. Certains pourront développer des angoisses à cause d’un sentiment de manque diffus, mal compris.

Nous vous invitons à travailler avec les familles pour qu’elles vous inspirent en souvenirs positifs. Ils viendront alimenter le prendre soin quotidien (comme « le petit chien bébert qui était tout mignon quand il était tombé dans la bassine… »).

Quoi qu’il en soit, quel que soit le choix d’organisation, mieux vaut qu’il soit dicté par un projet, une réflexion pluridisciplinaire, pour harmoniser les contraintes de cette situation, travailler la faisabilité de terrain et rechercher la meilleure vie possible pour les habitants.

Les difficultés peuvent rapprocher !


Cette situation peut permettre de faire front commun. Vous avez vu la solidarité qui peut se mettre en place avec certaines familles, certaines associations, certains élus, les écoles...

Beaucoup d’établissements voient le renfort de familles, de bénévoles pour accompagner les visites des autres familles.

C’est peut-être le moment de réfléchir à la place qu’on souhaite leur laisser, celle qu’on n’aurait jamais dû leur prendre. C’est aussi l’occasion d’échanger avec les familles des décisions prises en groupe de pilotage, d’être ouvert aux ressentis et d’échanger si c’est possible sur des sujets communs qui nous touchent tous : la privation de liberté, notre rapport à la maladie, à la mort.

Les vieilles personnes, les vieux ont souvent plus de facilité à en parler.

Soyons ouverts, même à distance. Si nos corps doivent se distancer, nos cœurs peuvent s’enlacer.

Gaëlle, dont l’établissement ne compte pas de personne atteinte de covid nous précise :

« Nous aimerions proposer des visites de familles sur rendez-vous dans les logements, plutôt qu’en un lieu dédié.
Nous avons posé la question aux membres du Conseil de la vie sociale (CVS) : ils n’y sont pas favorables.
D’un côté être dans un espace dédié, ce n’est pas facile quand la personne est malentendante, avec une maladie de type Alzeihmer ou autre…
Dans la chambre, les visiteurs s’inspirent du lieu, des albums photos, par exemple, pour alimenter la discussion… au risque de ne pas toujours respecter les gestes barrières.

Nous avons organisé une réunion du groupe de pilotage pour discuter des différents arguments : pour ou contre les visites en logements ? Nous constatons une moyenne de 70 à 90 visiteurs par semaine, ce qui est beaucoup. Comme la situation sanitaire est toujours saine dans la structure : pourquoi changer ?
Je vais proposer de laisser ainsi notre organisation et l’ajuster de manière plus strict si le virus rentre. »

En guise de conclusion


Etre en dynamique, en projet, en lien avec nos proches, n’est-ce pas là ce qui nous anime tous, afin de donner une perspective à notre quotidien ?

N’avons-nous pas, nous aussi, comme les personnes aidées, la sensation d’être amputés d’une partie de nos libertés ? Sommes-nous si différents ?

Nous pensons tous à demain : aux retrouvailles, au voyage auquel on a pensé, rêvé. Comme eux, on se raccroche, on invente, on imagine un APRES.
Mais à la différence d’eux, nous avons tellement de possibilités, de facilités, d’opportunités. Ils ont besoin de notre professionnalisme qui intègre notre empathie, pour que nous puissions les accompagner vers leurs demains.

A nous de professionnaliser l’accompagnement d’aujourd’hui pour que les personnes que nous accompagnons soit les maîtres de leurs demains.

Voici un magnifique challenge empreint des valeurs Humanitude : autonomie, indépendance, citoyenneté, liberté.
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