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Etre aidant, être aidé

La dépendance fait genre ! par Florence Leduc

Auteur Rédaction

Temps de lecture 4 min

Date de publication 04/04/2011

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Décidément, le débat sur les questions de dépendance nous réserve bien des surprises !
On l’attendait depuis des années, depuis que la conscience collective a posé des constats et un regard, sur nos concitoyens de tous âges, touchés par les conséquences invalidantes des maladies chroniques, psychiques, neurologiques, mentales, sensorielles… L’allongement de la durée de la vie, avec des incapacités nous renvoyait à cette nécessité de concevoir, collectivement les modalités de la prise en compte de ces situations et les modalités de la prise en charge par la société.
De rapports en travaux, en groupes de travail, en hypothèses ; peu à peu tout cet élan a été rassemblé autour de la notion de cinquième risque.
Et bien, voici la première surprise : le dossier est ouvert après des années d’attente et d’espoirs déçus.
Mais comme une surprise n’arrive jamais seule, elle a été accompagnée d’une deuxième surprise : il ne s’agit plus de penser les difficultés de vie de tous nos concitoyens en situation de besoin d’aide, mais seulement d’une partie d’entre eux, ceux qui sont âgés de plus de 60 ans, nous privant ainsi d’une vision globale sur les questions liées à la dépendance.
De surprise en surprise, ce chantier est l’occasion d’une grande mise à plat, sur cette démographie et ses projections, sur les hypothèses financières, sur les aidants, sur qui est qui et qui fait quoi …
C’est le bon moment pour déballer tous les chiffres et les faire parler, et là on retrouve des femmes, plein de femmes…

Des femmes en situation de dépendance
Les femmes vivent plus longtemps que les hommes, mais en moyenne, les années de vie supplémentaires sont aussi des années de fragilité ; cette fragilité est nommée aujourd’hui ! Elle s’appelle : déficiences sensorielles, maladies cardio-vasculaires, ostéoporose, dépression, doublée aussi d’une fragilité financière lorsque ces femmes sont seules ou survivent à leur époux. Si on parle de la maladie d’Alzheimer, alors là les femmes sont majoritaires si l’on combine fragilité, risques, espérance de vie…
Ça donne des idées tous ces mots, et si on s’attelait à les prévenir ces fragilités, ou tout du moins à en amoindrir la portée ?

Des femmes accompagnant les situations de dépendance
Elles sont très nombreuses les femmes qui accompagnent un proche ! Les enfants, d’abord, touchés par la maladie ou la situation de handicap, elles sont aux premières loges ; elles renoncent plus souvent au travail, ce qui aura immanquablement des conséquences sur la retraite ; elles restent plus souvent seules à s’occuper de leur enfant en cas de séparation du couple, sachant que lorsque un enfant est malade ou en situation de handicap, les couples se séparent 9 fois plus souvent qu’en population générale ; elles sont, du coup en fragilité économique, lorsqu’elles additionnent tous ces facteurs !
Si l’on s’intéresse aux personnes âgées dépendantes, alors là, les femmes sont légion : épouses, filles, belles filles…
Attention, ce n’est pas que les hommes sont absents ! D’ailleurs en cas de légère fragilité, les hommes sont à peine moins nombreux que les femmes pour donner un coup de main ; mais lorsqu’il s’agit de dépendance importante, alors là, elles sont plus de 8 sur 10 à aider ! Et quand on dit aider, c’est corps et âmes ! Les soins du corps et de l’environnement, sans compter, jour et nuit, le cas échéant. En outre, elles ont moins recours aux intervenants professionnels que les hommes, lorsqu’ils sont en situation d’aidant.
De même, lorsque c’est une femme qui est aidée par son conjoint, elle vit plus souvent en hébergement collectif que le contraire.
On pourrait dire et d’ailleurs on le dit, que ces femmes sont des Saintes ; on dit aussi que c’est naturel ; de naturel à normal et de normal à obligatoire, il n’y a qu’un pas !
Or, qu’y a-t-il de naturel à devenir pour son conjoint, son parent ou son enfant un soignant, un aidant, un rééducateur, un habilleur… au détriment de la préservation du lien initial entre deux êtres.
Qu’y a-t-il de normal à renoncer à sa vie sociale, à son travail (là encore, les femmes sont particulièrement touchées, sans parler des répercussions sur la retraite), à ses amis, à ses, loisirs, à son implication dans la société ; qu’y a t-il de normal, dans certains cas à perdre la santé physique et psychique, à être assignée à résidence, dans ces intérieurs où l’épuisement des uns comme des autres nous racontent des histoires de risques… sachant que certaines aidantes meurent avant la personne qu’elles aident.
Et, cerise sur le gâteau ces grandes aidantes se sentiraient coupables de n’en point faire assez.
Pourquoi s’occuper de ces questions, alors qu’elles ont à voir avec la vie privée, dans l’intimité des foyers, des familles et des proches ?
C’est que, quand il s’agit de vulnérabilité, quand il s’agit de tant et tant de personnes concernées, on peut alors considérer qu’il s’agit d’une question sociétale, et que cela ne concerne donc pas seulement et exclusivement la sphère privée.
Ça appelle à une réflexion sur la part respective de l’aide des proches et des intervenants professionnels, ça appelle aussi à une réflexion sur l’adéquation et la pertinence des réponses et la complémentarité des aides.
Ça appelle aussi, à la responsabilité d’une société, de favoriser de belles histoires d’accompagnement, de regarder les êtres touchés par des difficultés de vie comme des personnes qui ne peuvent se réduire à leur pathologie ou leur dépendance.
Ça appelle aussi à penser à la façon dont la société entend prendre en soin les plus vulnérables et leurs proches, à leur assurer une qualité de vie, dans cette dignité, intrinsèque à l’humain(e) que la société se doit de cultiver.

Nous sommes toutes et tous concernées et concernés.
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