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Comprendre les fragilités

Mon histoire, c'est votre histoire : les familles dans la solitude du covid

Auteur Guillaume Vonthron

Temps de lecture 4 min

Date de publication 14/06/2021

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Tandis que la France se déconfine peu à peu, que les vacances approchent, le combat se poursuit pour ces familles dont les droits ont été malmenés pendant la crise. Face à des restrictions par fois abusives, l’impossibilité de voir son proche, de l’accompagner jusqu’au bout, certaines familles réclament des comptes, à l’image de Stéphanie Bataille qui publie un bouleversant témoignage autour du traitement déshumanisé infligé à son père atteint du covid-19.

Des résidents, des habitants, toujours privés de libertés et des familles désemparées

“Vous nous faites rêver, car cette ouverture n’est pas le cas partout.”

A l’occasion de la présentation du retour d’expérience des établissements labellisés Humanitude face à la gestion de la crise sanitaire, l’association Ehpad Collectif Familles 42 et la Fédération nationale des associations et familles de personnes âgées (Fnapaef) sont intervenues pour saluer les résultats de cette étude, appeler au déploiement de ce label mais aussi pour rappeler que d’autres maisons de retraite ont imposé des règlementations beaucoup plus restrictives pour les résidents, pour leurs proches.

Si le retour à la normale semble se profiler un peu partout, ce n’est pas le cas dans certains Ehpad, où même vaccinés les résidents continuent d’être soumis à des restrictions excessives.

Une injustice dénoncée par de nombreux collectifs (Fnapaef, association Ehpad Collectif Familles 42, collectif vital, Favicovid, collectif 9471, Cercle des Proches Aidants en Ehpad, collectif Tenir ta main…) qui multiplient les actions pour lever les restrictions et faire la lumière sur ce qu’il s’est passé pendant la crise.

Tribunes dans les médias, courriers adressés aux élus locaux, à la Haute autorité de santé, au défenseur des droits, au gouvernement… ces collectifs ne cessent d’alerter, de signaler des traitements parfois inhumains, des syndromes de glissement qui se multiplient chez les résidents privés de libertés.

Le 11 juin dernier, l’association Ehpad Collectif Familles 42, forte des témoignages de 64 familles, a interpellé la ministre déléguée auprès du ministre des Solidarités et de la Santé chargée de l'Autonomie dans un nouveau courrier demandant d’autoriser “le retour à la vie normale” en Ehpad.

“Combien de temps encore devrons-nous attendre, avant que les instances gouvernementales, régionales et médicales se mobilisent en faveur d’une levée de contraintes permettant des visites familiales libres?

Faute de cette non prise en compte, faudrait-il envisager une « non-assistance à personne en danger » de mort psycho-affective ?

Le « prenons soin de nos aînés » serait-il une injonction vide de sens ?” interroge l’association dans cette lettre adressée à Brigitte Bourguignon.

Une incompréhension partagée par le réseau inter CVS 91 qui constate que “le retour progressif à une vie normale est encore trop lent et partiel. Il est attendu par les résidents, les familles et les personnels pour sortir du climat anxiogène. Le taux de vaccination des résidents de près de 100% est une réussite, mais il n’a pas permis de lever les restrictions des libertés telles que la participation à un repas en famille dans l’établissement ou la participation à un évènement festif dans la résidence”.

Le réseau des comités de la vie sociale en Essonne a par ailleurs récemment publié ses recommandations de bonnes pratiques afin d’inciter à l’implication des familles et des résidents dans les prises de décisions des Ehpad.

Le témoignage universel de Stéphanie Bataille

Convoqué le 13 décembre 2020 dans un hôpital parisien après un test PCR négatif pour une opération du cœur, le comédien Etienne Draber, âgé de 81 ans, décède un mois plus tard du covid-19.

Sa fille Stéphanie Bataille témoigne aujourd’hui de cet épisode douloureux, et dénonce le “traitement déshumanisé” infligé aux patients ainsi qu’aux familles.

Le temps qui nous est octroyé avec toi est de plus en plus restreint. Dix minutes. C’est odieux, inhumain. D’où peuvent venir ces ordres, ces règles sanitaires inappropriées. Le bien-être du patient et de la famille est bafoué. Qui veulent-ils sauver ?

Entre colère et incompréhension, la comédienne et metteuse en scène raconte comment elle a vu peu à peu son père sombrer dans la maladie, dans la solitude.

15 minutes, puis 10 minutes... et finalement c’est à l’interdiction pure et simple des visites que se heurte Stéphanie Bataille. “Ah non, on ne voit pas les patients ici, les visites sont interdites ; on les voit au dernier moment !” précisent les médecins de l’hôpital.

Un manque de diplomatie qui s’apparente à de la cruauté pour l’auteure, et finalement ce “dernier moment” prédit les équipes soignantes arrive et là aussi, la possibilité de dire adieu est bien compromise.

Nous allons garder votre père dans cette chambre pendant une heure, ensuite vous ne le reverrez plus”, prévient le médecin avant d’apporter quelques précisions sur la suite du protocole “les personnes qui ont le coronavirus sont placées nues dans une housse fermée, un body bag, et il n’est donc plus possible de les voir”.

Mon histoire, c'est votre histoire est un récit glaçant, écrit pour informer mais aussi alerter. Ce témoignage pourrait être celui de toutes ces familles qui ont été frappés par le deuil pendant la crise, par la brutalité du virus, des protocoles qui l’accompagnent ou par ceux qui l’appliquent, bien souvent démunis face à des restrictions inhumaines.

Le combat de Stéphanie Bataille ne s'arrête pas là et après avoir lancé une pétition pour que les familles puissent visiter leurs proches, la comédienne, par le biais du collectif Tenir ta main qu'elle a fondé, continue de mener des actions pour appeler à "un retour à l'humanité".

Mon histoire, c'est votre histoire
Stéphanie Bataille
Editions de L’Observatoire - 16 €
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