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Trouver son lieu de vie

Vieillir enfermés : la dure réalité d'un Ehpad pendant la première vague

Auteur Guillaume Vonthron

Temps de lecture 4 min

Date de publication 02/02/2021

1 commentaires

Le 11 mars 2020, le ministre des Solidarités et de la Santé annonce la suspension des visites dans les maisons de retraite. Les résidents s’apprêtent à vivre sous cloche et à affronter la première vague de covid-19. Près d’un an plus tard, le documentaire Vieillir enfermés revient sur ces semaines tragiques et dévoile la réalité de ce confinement dans un Ehpad de la Ville de Paris. Il sera diffusé le 3 février prochain sur Arte.

On va me boucler !” Ce documentaire choc s’ouvre l’annonce faite aux premiers résidents positifs au virus d’un strict confinement en chambre.

C’est la directrice de l’établissement public Furtado-Heine (75014) qui se charge d’aller à la rencontre des habitants de la maison de retraite pour leur annoncer la nouvelle.

J’ai peur quand la porte est fermée” confie, paniquée et désemparée, une résidente positive au virus qui voit lui échapper l’un de ses derniers espaces de liberté.

Moi j’étouffe, je laisse la porte ouverte sinon je rentre chez moi !” s’exclame une autre habitante de l’Ehpad.
Le documentaire d'Eric Guéret rend compte de la violence de ce confinement en chambre pour des résidents déjà fragiles.

Le quotidien de cet Ehpad, c’est aussi le ballet des cercueils qui arpentent les couloirs. Déjà 11 décès, quelques semaines après le premier cas recensé.

Une violence aux multiples facettes

Eprouvant, le documentaire dévoile l’intensité de la détresse des résidents, entre souffrances physiques et souffrances psychiques.

Impossible de rester indifférent face à ce résident atteint par le virus qui souhaite la fin, au plus vite. “J’ai toutes les peines du monde à respirer. Je me dis qu’une chose, pourvu que ce soit cette nuit je puisse mourir”.

Bouleversée mais prisonnière de cette spirale infernale, la cadre de santé de l’établissement rappelle “qu’on ne peut plus se permettre d’arrêter sur une tristesse. Il y a comme une espèce de déshumanisation”.
On aura un retour de bâton d’une manière ou d’une autre, parce que psychologiquement on en prend un coup” confie une aide-soignante.

La violence de cette première vague c’est aussi l’isolement qui pèse de jour en jour sur les résidents.
Conséquence d’un confinement total, la solitude s’installe au fil des semaines et certains craquent. “Ça fait un moment que je suis enfermé. Seigneur, sortez nous de la chambre !” supplie l’un d’entre eux.

Plus jamais ça

Vieillir enfermés montre des scènes aussi puissantes que rares, qui dévoilent un envers du décor poignant et révèlent aussi les limites du fonctionnement de cette maison de retraite.

Le documentaire est à la fois un vaccin pour toutes les personnes encore sceptiques sur l’utilité des gestes barrières et un cahier des charges, mettant au grand jour l’ensemble des dysfonctionnements au sein de l’établissement.

A l’école on nous apprend qu’il doit y avoir une infirmière pour 20 patients. Ici c’est une pour 60, voire pour 120 quand on est toute seule” souligne Sonia, jeune infirmière qui découvre la triste réalité.

Ici c’est une douche par semaine, par manque de personnels” confie une autre membre de l’équipe soignante.
Chaque direction nous a demandé de baisser le budget. On est quand même passé de 5 kiné à 2 !” raconte la kinésithérapeute de l’établissement avant de poursuivre : “on est obligé de faire des choix sur les priorités thérapeutiques. Donc il y a des gens qui sont laissés de côté, qui se dégradent”.

Une dégradation de l’état de santé difficilement acceptable dans un établissement qui a vocation à prendre soin et dont les conséquences (grabatisation, escarres, soins spécifiques…) réclament encore plus de temps et d’attention.

Un fonctionnement qui relève parfois de l’absurde, notamment lorsqu’une infirmière prépare les somnifères pour les résidents et précise : “quand je suis arrivée dans l’Ehpad, on donnait des infusions aux résidents et ça fonctionnait plutôt bien. Il y a plein de chose à revoir en gériatrie”.

L’absurdité, c’est aussi cette résidente invalide, confinée en chambre et qui rêve de pouvoir profiter de son balcon, d’un peu d’air extérieur.

Un bonheur simple à première vue mais pourtant inaccessible sans une aide extérieure.
Un autre résident trouve son salut pendant une conversation avec la psychologue de l’Ehpad et précise qu’il ne parle à personne de la journée. “On passe prendre mon plateau repas mais personne ne me parle” déplore-t-il.
Les équipes sont totalement sous l’eau, débordées par la situation et en oublient parfois les gestes les plus simples.

En réalité cette crise souligne des manquements qui étaient là depuis le début” raconte la cadre de santé.

En levant le voile sur cette réalité, ce documentaire choc fait la lumière sur les limites du fonctionnement d’une maison de retraite déjà à bout de souffle avant la crise et devrait permettre d’éveiller les consciences.

"Occupons-nous de nos aînés !” s’exclame une infirmière de l’Ehpad. Vieillir enfermés n'est pas une fatalité et si la crise sanitaire a révélé certaines limites, elle a aussi par ailleurs mis un coup de projecteur sur de formidables initiatives en faveur du prendre soin, comme dans la maison de retraite Le Séquoia (68) qui a montré que la qualité de vie et les libertés de ses habitants peuvent être préservées malgré une crise sanitaire.

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rossi

le 1er confinement s'est bien passe mais le 2ème a été fatal pour ma maman...celui-ci a bien arrange le personnel de l'hepad