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Situations d’urgence

Réapprendre à se parler

Temps de lecture 5 min

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Votre parent ne peut plus vivre seul ! Vous avez peut être découvert cet état de fait presque en même temps que lui.

Sachez toutefois que les sentiments qui seront éprouvés de part et d'autre ne seront pas identiques. Une personne âgée qui perd son autonomie va traverser des états divers qui vont de la révolte à la honte en passant par toutes les formes de la tristesse et du désespoir. De votre côté, vous allez affronter la panique, l'angoisse et la culpabilité inhérente à toute relation parent-enfant.

Dans les familles ou le dialogue a toujours été alimenté et régulier, les voies d'une bonne compréhension émergeront toujours.

Mais pour les autres, pour toutes ces familles qui ont laissé leurs relations se détendre ou devenir superficielles, les liens doivent être rebâtis. Et le dialogue - un vrai dialogue, ou chacun peut sans honte ni méfiance, faire état de ses sentiments -, est d'autant plus difficile à établir qu'il faut le renouer dans la précipitation et dans un contexte devenu dramatique.

Les enfants adultes ont souvent des comportements fabriqués avec leurs parents âgés. Devenus adultes, ils ne leur ont raconté que ce qui leur paraissait audible : seulement des bonnes nouvelles par exemple. Cette restriction dansla communication a eu pour conséquence de bâtir au fil des années un mur d'incompréhension. Chacun marche sur des oeufs vis-à-vis de l'autre et tout le mondea travaillé à maintenir les sources de conflit à l'écart.

Résultat : petit à petit, des comportements artificiels et codifiés se sont installés .

Quand la perte d'autonomie ouvre un espace de crise, il faut réapprendre à se parler.

La base d'une relation nouvelle passe par l'expression de ses sentiments. Il ne faut pas avoir peur d'exprimer ses craintes. Exprimer son angoisse permet aussi d'entendre celle de l'autre.

Une parole authentique oblige à exprimer ses propres sentiments

Exemples : Face à un père qui bave et donne des signes de gâtisme, ne dites pas : - "Alors, ça va bien ? " Vous êtes en droit d'exprimer la peine que vous ressentez. Une attitude empruntée engendre au contraire la méfiance et des sentiments proches de la paranoïa : une personne âgée pensera alors que tout le monde se ligue contre elle.

Vous devez convaincre un parent âgé de quitter un domicile dangereux ? Ne dites pas : - " Maman (papa), tu ne peux plus rester là. Cette maison est devenue dangereuse pour toi. " La personne ainsi apostrophée sera immédiatement tentée d'avoir un avis contraire et surtout craindra qu'une décision puisse être prise pour elle et sans elle.

Mieux vaut personnaliser sa proposition : - " Maman (papa), je me fais beaucoup de souci pour toi. J'ai le sentiment que tu n'es plus en sécurité depuis ta dernière chute. Je n'aime pas penser que tu vis ici tout(e) seul(e) dans cet appartement. Si un accident arrive, il peut se passer plusieurs heures avant que quelqu'un s'en aperçoive. "Un problème identique est posé dans les deux cas. Mais la seconde formulation se place sur le terrain affectif. C'est le fils (ou la fille) qui a un problème. Et le parent en difficulté est invité à prendre du recul vis-à-vis de sa situation pour aider à trouver une solution qui apaise l'angoisse de son enfant. Un parent âgé acceptera beaucoup mieux de discuter des avantages et inconvénients de son mode de vie si les "sentiments personnels" de ses enfants sont affichés.

Mais surtout, et c'est capital, la dimension autoritaire est absente. Tout discours dirigiste - " Tu dois... " " Il faut... " - sera perçu comme un renversement des rôles, une volonté de puissance destinée à calmer l'anxiété des enfants plutôt qu'à satisfaire l'indépendance et la sécurité des parents ainsi que leur droit inaliénable à l'autodétermination. Une parole authentique est une parole entre deux égaux.

Apprendre à écouter

Des adultes âgés en perte d 'autonomie se retrouvent tout naturellement submergés par des sentiments variés ou se mêlent la peur, la colère, la frustration, et dans le pire des cas, la dépression.
Les enfants adultes sont eux aussi touchés par l'angoisse.

La bulle des émotions fausse le contact dans l'un et l'autre cas et empêche l'émergence d'un dialogue authentique.

Ecouter, c'est entendre les paroles mais aussi le tissu d'émotions contradictoires de l'autre.

Exemple : une mère clouée au lit qui affirme qu'elle peut "très bien se débrouiller toute seule", ne doit pas s'entendre répondre avec colère : " mais non, tu ne peux pas... ", "tu ne dois pas... " Toute injonction accroît l 'angoisse de celui qui la reçoit sans calmer l'inquiétude de celui qui donne un ordre.

Une discussion sereine oblige à prendre en considération ce qui est dit. Ce qui suppose d'imposer silence à son propre tumulte intérieur pour entendre les besoins, les désirs et surtout les peurs de vos parents plus âgés.

Une des manières de procéder est de reprendre les paroles de vos parents ainsi - " Si je comprends bien, tu dis que... " ; ou encore : " Laisse-moi reformuler ce que tu viens de dire pour être sûr que je comprenne bien... " ; et si vraiment vous ne comprenez pas, attardez-vous sur le message : " Pourrais-tu répéter, je ne suis pas sûr d'avoir très bien saisi... "

Ces tentatives peuvent sembler artificielles, voire maladroites, mais elles font gagner du temps. Elles permettent à votre propre tension de s'apaiser et à votre intelligence de prendre le dessus. Elles ne gomment pas tout malentendu, mais obligent chacun à développer une argumentation et à rester dans le champ de la rationalité. Rien ne peut se régler dans un débordement passionnel.

Il est possible également d'encourager la personne âgée à s'exprimer en n'intervenant pas. Il suffit de ponctuer ses paroles avec des " Uhmmm ", " Uh-huh ".

Cette technique, utilisée de bonne foi, apparaît comme un moyen pratique de calmer son propre bouillonnement intérieur. Pratiquée avec calme, cette méthode peut représenter le début d'un climat de confiance. Ce qui n'implique pas d'approuver entièrement. Un désaccord oui ! Une condamnation, non !

Un second type d'écoute consiste à faire état de sa propre vulnérabilité. Vous avez vécu des situations similaires, vous pouvez les communiquer. Il s 'agit d'une forme de partage émotionnel.

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