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Comprendre les fragilités

La maladie d'Alzheimer bouscule aussi les juges des tutelles

Auteur Rédaction

Temps de lecture 3 min

Date de publication 02/01/2017

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Enquête de la Fondation Médéric Alzheimer

Après avoir étudié les délégués mandataires judiciaires à la protection des majeurs ("tuteurs professionnels") en 2014, la Fondation Médéric Alzheimer en lien avec l’Association nationale des juges d’instance (Anji) a interrogé 600 juges d'instance chargés des tutelles. Un tiers a répondu à l'enquête.

Profil des juges d'instance qui ont en charge les mesures de protection des majeurs

alzheimer bouscule les juges des tutelles

L'étude montre qu'ils ont en moyenne 41 ans et qu'ils consacrent 41% de leur temps de travail à leur mission de juge des tutelles.

Ils suivent 3 585 mesures par équivalent temps plein (ETP). Près de quatre sur dix concernent un personne atteinte de la maladie d’Alzheimer.

Les trois raisons principales qui motivent la demande d’une mesure de protection sont la vente d’un bien que la personne ne peut faire seule (pour 61 % des juges), la difficulté pour la personne de gérer son budget (76%) et l’entrée dans un établissement d’hébergement (62 %).

La principale mesure de protection prononcée à l’égard d’une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée par les juges est la tutelle aux biens et à la personne.

Moins d'un juge sur deux auditionne toujours ou souvent la personne avant la mise en place de la mesure et 85 % d’entre eux interrogent systématiquement l’entourage familial de la personne et plus rarement les professionnels en charge de son accompagnement (21 %).

Une fois la mesure prononcée, ils sont peu sollicités pour les décisions de santé, mais le sont davantage pour la vente de biens immobiliers et pour le choix du lieu de vie.

La maladie d'Alzheimer bouscule aussi les juges des tutelles

Les juges vivent de nombreuses difficultés quant à protection des personnes malades : sur leurs capacités à avoir un avis construit et argumenté sur leur situation et leurs intérêts.

Cette expression de leur volonté varie selon les phases de leur maladie qui ne correspondent pas forcément aux phases des dossiers instruits. Les juges expriment leur difficulté d’apprécier si la personne donne un consentement éclairé au vue de l'irrégularité de son état : conscient et lucide à certains moments et non à d’autres.

Les juges s'interrogent aussi sur les bienfaits de l'institutionnalisation, malgré les difficultés réelles de la personne pour vivre seule.

Les limites de la protection des majeurs, de la tutelle

Pour mémoire, il y a 700 000 personnes sous tutelle (plus 70 000 par an), et à peine une mesure de protection sur deux est confiée à un membre de la famille (le mandat de protection future reste assez complexe. Quant à l'habilitation familiale elle gagnerait à être connue).

Ils ne sont que 190 juges des tutelles (en équivalent temps plein) en France et seul 1 % des tuteurs professionnels font l'objet de contrôles...

Près de 10 ans après la loi de 2007 qui réformait les mesures de protection, dans la suite du rapport du Défenseur des droits fustigeant le recours à la tutelle, un rapport de la Cour des comptes fin 2016 porte un jugement sévère sur une "réforme ambitieuse mais à la mise en œuvre défaillante".

La parole aux juges des tutelles

La juge des tutelles, Anne Caron-Déglise, nous avait donné son point de vue sur les derniers rapports. Elle a complété son analyse pour l'enquête de la Fondation Médéric Alzheimer : "La difficulté la plus grande à l’égard des personnes considérées comme particulièrement vulnérables en raison de leur état de santé consiste évidemment à évaluer le plus précisément possible leurs besoins à partir de critères suffisamment larges pour ne pas les enfermer dans un système qui les écoute plus ».

Son propos est complété par la juge Emilie Pecqueur : "Le juge peut donc être tenté d'opter pour une mesure plus contraignante que celle effectivement nécessaire au moment où elle est prononcée. Le risque est alors de ne pas prendre en compte les capacités restantes réelles de la personne protégée, et, par là même, d'accélérer sa perte d’autonomie."

Quant au juge Thierry Verheyde, il souligne : "On sait combien le droit de vote est ressenti comme essentiel notamment par les personnes âgées, au point qu'elles se sentent parfois plus atteintes par la suppression de ce droit que par la mesure de protection elle-même".

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